Wes Montgomery

Naissance

6 Mars 1925, Indianapolis Indiana, , United States

Biographie

Wes Montgomery est sans aucun doute le guitariste de jazz le plus connu du grand public et celui dont l’influence est la plus large. A ce titre, il est probablement le seul à avoir pu rivaliser, en termes de popularité et de succès commerciaux, avec les chanteurs et les souffleurs, il est aussi l’un des rares guitaristes à être considéré véritablement comme un grand improvisateur.

L'ombre de Charlie Christian

John Leslie « Wes » Montgomery est né le 06 mars 1925 à Indianapolis (Indiana), il est venu sur le tard à la guitare, vers l’âge de 19 ans, en écoutant, comme beaucoup de guitaristes de sa génération, le révolutionnaire Charlie Christian. Bien que n’ayant jamais appris à lire la musique, Wes avait une grande facilité pour déchiffrer les mélodies à l’oreille, de plus, il évoluait dans un environnement musical grâce à ses deux frères : Monk (basse) et  Buddy (piano et vibraphone) tous deux bons musiciens de jazz. Les débuts professionnels de Wes Montgomery furent pourtant rapides et prometteurs. Dès juillet 1948 il rejoint l’orchestre du vibraphoniste Lionel Hampton, avec lequel il tourne et enregistre jusqu’en Janvier 1950.  Il retourne pourtant à Indianapolis et choisit de garder un emploi quotidien de soudeur dans une usine d’électronique pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille (sa femme et ses six enfants), il n’enregistrera quasiment plus avant 1957 (à l’exception d’une séance en 1955) mais joue toutes les nuits dans les clubs de la ville, ne dormant que très peu afin d’arrondir les fins de mois.

Avec ses frères

De 1957 à 1959 Wes Montgomery enregistre trois albums avec ses frères pour le label Pacific Jazz, dont notamment le premier (sur World Pacific) The Montgomery Brothers and Five Others sur lequel figure aussi le trompettiste Freddie Hubbard dont c’est aussi le premier enregistrement. En 1959, il signe chez Riverside Record sur les recommandations du saxophoniste et partenaire de Miles Davis et de John Coltrane, Cannonball Aderley. Très impressionné par le guitariste Kenny Burrell qu'il venait souvent écouter au club Sudan à Detroit, il lui demande d'utiliser sa propre Gibson L-7 et son amplificateur Fender pour enregistrer son premier album en trio, les 5 et 6 octobre 1959 à New York. Les deux musiciens deviendront même amis, et Burrell participera à l'album de Wes Fusion en 1963. S’en suit une reconnaissance quasi immédiate avec des disques comme The Wes Montgomery Trio, The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery, So Much Guitar et Boss Guitar (en trio guitare/orgue / batterie : une formule qui fera en grande partie son succès). Ces disques enregistrés en petites formations, trio, quartet ou quintet, avec de très bons musiciens comme Tommy Flanagan (piano), Percy Heath (basse), Albert « tootie » Heath (batterie), Hank Jones (piano), Jimmy Cobb (batterie), Mel Rhyne (orgue) etc...  Ils révèlent un excellent Montgomery dans un style alternant entre superbes ballades et morceaux hard bop uptempo endiablés comme le classique « Four on six ».

Fidèle à Riverside

Wes Montgomery restera chez Riverside jusqu’à fin 1963 quand le label fit faillite, c’est pour beaucoup de critiques et de fans sa meilleure période artistique, sa musique y est pure et aventureuse, subissant l’influence des boppers et de Miles Davis dont il est proche des musiciens et dont il joue souvent quelques thèmes. Après avoir été dans l’ombre pendant presque toutes les années 50, il connaît le succès en tant que leader sans avoir pratiquement fait le sideman au préalable, ce qui est très rare dans le jazz. Exception faite de sa collaboration pour l’orchestre de Lionel Hampton puis plus tard pour le sextet de John Coltrane (il a aussi collaboré à quelques autres disques notamment avec  Cannonball Aderley ou son frère le cornettiste Nat Aderley) .

Un son unique

C’est pendant cette période que les amateurs de jazz ont vraiment découvert Wes Montgomery et sa technique unique, terriblement efficace : à tel point que le « Wes Montgomery Tone » est devenu l’idéal d’une grande majorité des guitaristes de jazz. Ce son si particulier, il l’obtenait en jouant avec la chair de son pouce plutôt qu’avec un onglet, la légende veut qu’il ait commencé à utiliser cette technique pour ne pas déranger sa femme en travaillant son instrument : la sonorité obtenue est plus douce, chaleureuse, pour ne pas dire charnelle. Il pouvait néanmoins jouer très vite, cette technique étant pourtant limitée car on ne peut jouer les cordes que du haut vers le bas et pas en aller retour comme avec un onglet. Une autre caractéristique de son jeu était l’emploi abondant des octaves : Wes jouait souvent les thèmes en les doublant à l’octave supérieure ; cette technique déjà utilisée de façon beaucoup moins systématique par le guitariste gitan Django Reinhardt, grossit le son et va devenir une des  marques de fabrique du son Montgomery. Il fût aussi l'un des pionniers de la technique des blocs d'accords propre à celle du piano.

La période Verve

Après la période Riverside, Wes Montgomery signe, de 1964 à 1966, sur le label Verve. Au même moment il rencontre Creed Taylor, un producteur ayant saisit tout son potentiel commercial et qui va l’inciter (non sans difficulté au départ) à se tourner vers une fusion jazz pop agrémentée d’arrangements de cordes pour le moins sirupeux  signés généralement par Don Sebesky. Ces disques, à l’origine de ce qu’on appellera le smooth jazz (Bumpin’  par exemple ou Goin’ Out of my Head dont le titre éponyme est une reprise d’un grand succès pop) sont des succès commerciaux mais la critique leurs préférera nettement  les plus rares disques live en petites formations comme Smokin’ at The Half Note avec le Wynton Kelly Trio ou les morceaux joués avec le grand organiste Jimmy Smith. Mais si la critique et le petit monde du jazz sont très réservés, le grand public lui apprécie et achète, en 1967, après la courte période Verve, Wes Montgomery suit Creed Taylor sur le label A&M, évoluant de plus en plus vers l’easy listening. Il enregistre alors entre autres des versions « jazzy » de classiques de la pop comme « Eleanor Rigby » (des Beatles) ou « Scarborough Fair » (Simon & Garfunkel), ce qui lui ouvre les ondes radio aul point qu’une de ses compositions, « Windy », atteindra la quarante quatrième place des charts américains et la dixième du classement easy listening.

Disparition prématurée

Pourtant, Wes Montgomery sent qu’il n’est plus vraiment en accord avec ses propres convictions musicales et les centaines de milliers de disques vendus l’obligent à multiplier les concerts et les enregistrements à un rythme harassant. Plutôt bon père de famille, il n'a, contrairement à un grand nombre de musiciens de jazz, jamais touché à la drogue ou à l’alcool.  Malgré cela, et alors qu’il est en train d’enregistrer son 33ème album, Wes Mongomery décède brutalement, le 15 juin 1968, d’une crise cardiaque à l'age de 43 ans seulement. La carrière de Wes Montgomery, bien que critiquée par les spécialistes, a ouvert les portes du grand public à une catégorie de musiciens jusque là bien souvent ignorés. Il a en effet réussit l’exploit pas si commun (on peut penser à Sinatra par exemple) d’être apprécié des purs et durs (qui critiquent les arrangements entourant son jeu de guitare mais jamais son jeu en lui-même qui reste extraordinaire et constamment reconnaissable entre mille) et de monsieur tout le monde, sortant de véritables tubes tout en restant l’incarnation même du guitariste de jazz.

Il serait vain de vouloir citer les guitaristes (ou même d’autres instrumentistes) ayant subit son influence : tous l’ont été. Toutefois certains en sont les directs descendants avec en premier lieu George Benson qui fut son élève, et Ronny Jordan qui connaissent beaucoup de succès en appliquant la même approche vis à vis de la musique et du grand public.