R.E.M.

Naissance

United States

Biographie

Peu de groupes peuvent se targuer d'avoir acquis une renommée mondiale tout en ayant su rester fidèle à l'esprit, sinon au son, de leurs premiers enregistrements. C'est pourtant l'exploit qu'est parvenu à accomplir R.E.M. tout au long d'une ascension vers la gloire qui a culminé durant la première moitié des années 1990, via les succès mondiaux de Out of Time en 1991 et Automatic for the People en 1995. Le groupe a su garder intacts son instinct mélodique, sa fragilité et son mystère. Ces caractéristiques furent d'ailleurs toujours présentes dans sa musique, malgré le mouvement de déclin, léger mais réel, qu'a entamé R.E.M. au cours de la décennie suivante. Conscients de cette nécessité de rebooster leurs son et image, Stipe, Buck et Mills publient Accelerate en 2008 et Collapse Into Now en 2011, deux albums en prise avec leur époque. Mais l'histoire s'arrête là. Le 21 septembre 2011, le groupe décide que le temps de la séparation a sonné et le stipule par un communiqué sur son site officiel.

L'histoire de R.E.M. débute par la rencontre, fin 1978, du Californien Peter Buck et du Géorgien Michael Stipe dans un magasin de disques d'Athens, en Géorgie. Le premier y travaille, le second est un client assidu, et les deux hommes ne tardent pas à sceller leur amitié autour d'une passion commune pour la scène punk new-yorkaise, et en particulier pour Patti Smith et son premier album Horses. De là à former un groupe de rock, il n'y a qu'un pas, que Stipe (chant) et Buck (guitare), rejoints par Mike Mills à la basse et Bill Berry à la batterie, franchissent en janvier 1980. Après avoir envisagé une série de noms au goût douteux (Negro Eyes, Cans Of Piss ou encore Slut Bank), et donné un premier concert en avril sous le nom de Twisted Kites, le quatuor finit par se baptiser R.E.M., d'après le mouvement oculaire rapide (Rapid Eye Movement) qui se produit durant le sommeil, lorsque débute la phase de rêve.

Les concerts s'enchaînent les mois suivants, permettant au groupe de rôder un début de répertoire. L'apprentissage se poursuit durant le printemps 1981, lorsque R.E.M. investit les studios Drive-In de Mitch Easter pour y enregistrer ses premières maquettes. De ces séances sera édité un single, « Radio Free Europe » (juillet 1981), qui, malgré une distribution artisanale (1000 exemplaires seulement sont pressés sur leur label Hibtone, devenu un « collector » coté un minimum de 150 $), suscite des réactions très positives, au point d'être élu « Single indépendant de l'année » par le célèbre magazine Village Voice où le rock critique Robert Christgau encensera leurs premiers albums.

Fort de ce succès, le groupe retourne en studio dès le mois d'octobre pour y enregistrer le EP Chronic Town qui sort au printemps 1982 sur le label I.R.S. de Miles Copeland, le frère du batteur de Police, qui vient de signer R.E.M., et rencontre, une fois de plus, un écho extrêmement favorable. Il est vrai que la personnalité du groupe, dominée par les arpèges de guitare de Peter Buck et le chant souvent inintelligible de Michael Stipe, est déjà très affirmée, et possède de quoi marquer les esprits. Autour de cette base solide, le groupe, fort logiquement, n'a plus qu'à peaufiner les détails - ce qu'il fait de fort brillante manière avec un premier album aux climats brumeux : Murmur, en avril 1983. Le succès est immédiat, et le disque, élu « disque de l'année » par le magazine Rolling Stone, se hisse dans le Top 40 au Billboard.

Si le deuxième album, Reckoning (avril 1984) creuse sensiblement le même sillon (malgré un son légèrement plus « live »), le troisième opus, Fables Of The Reconstruction (juin 1985) signale un tournant : pour la première fois depuis les débuts du groupe, Mitch Easter ne participe plus à la production, qui est déléguée à Joe Boyd, renommé pour son travail sur les disques de Pink Floyd, Soft Machine, Nick Drake ou Richard Thompson. Enregistré à Londres par un groupe qui vit alors ses premières véritables tensions (de l'aveu même de ses membres, R.E.M. faillit imploser durant les séances), l'album est passablement plus sombre que ses prédécesseurs, ce qui ne l'empêche pas d'asseoir la domination du groupe sur « l' underground » musical.

Héros des radios étudiantes, ayant engendré, en l'espace de quelques mois, une impressionnante légion de clones au sein du mouvement rock alternatif américain, R.E.M. ne parvient pas encore pour autant à conquérir le grand public, et ne semble d'ailleurs pas s'en soucier. Pourtant, le choix de Don Gehman (producteur attitré à l'époque de John Cougar Mellencamp et de Brian Setzer, entre autres) derrière les manettes de Lifes Rich Pageant (juillet 1986), peut être considéré comme un premier effort du groupe pour accroître sa popularité. La tentative s'avère payante artistiquement (le chant de Michael Stipe, en particulier, est mieux mis en valeur, et ses textes deviennent, de fait, moins nébuleux), mais elle l'est un peu moins d'un point de vue commercial, même si R.E.M. continue, petit à petit, à séduire de nouveaux auditeurs. I.R.S., en tous cas, continue d'y croire, et publie en avril 1987 Dead Letter Office une compilation de titres rares et inédits, qualifiés « d'articles de brocante » par Peter Buck.

Produit par Scott Litt, le cinquième album, Document (septembre 1987) poursuit la démarche « d'ouverture » de R.E.M. L'attrait commercial des chansons y est de plus en plus patent (et ce, sans que le groupe ait modifié grand'chose - si ce n'est la production de ses disques - depuis Murmur), et le public ne s'y trompe pas : le disque est un réel succès, et, pour la première fois, l'un de ses extraits (« The One I Love ») devient un tube aux USA (n°9).

R.E.M. comprend alors qu' I.R.S. n'a pas les reins suffisamment solides pour lui permettre de franchir l'étape commerciale suivante. Le groupe signe donc avec une major (Warner Bros), et sort dans la foulée l'album Green (novembre 1988), qui engendre un nouveau tube (« Stand », n°6). A l'issue d'une tournée mondiale qui le voit jouer dans des salles de plus en plus importantes (et même des stades, aux Etats-Unis), le groupe s'accorde une longue pause, durant laquelle Berry, Buck et Mills s'associent en 1990 avec Warren Zevon pour le « side project » éphémère Hindu Love Gods (Giant Records) et leurs reprises iconoclastes de standards tous azimuts (Robert Johnson, Willie Dixon, Woody Guthrie, Prince...). Le même trio apportera sa caution au retour de leur héros Reg Presley des Troggs en 92, pour l'album Athens Andover. R.E.M. ne revient qu'en mars 1991 avec Out Of Time.

Dès sa sortie, l'album se place en tête des charts en Angleterre et aux Etats-Unis (où il se vend à plus de 4 millions d'exemplaires dans l'année), et le premier extrait, « Losing My Religion », est un tube mondial qui fait définitivement basculer le groupe dans la catégorie des superstars du rock. Une consécration d'autant plus étonnante qu'aucune tournée ne vient soutenir le disque. Mais MTV en assure le succès, notamment avec les diffusions à l'envi du clip de « Shiny Happy People », l'autre tube du disque, avec Kate Pierson des B-52's.

Cette tendance introspective s'amplifie sur Automatic For The People (octobre 1992). De manière tout à fait paradoxale, ce disque dense et sombre, pétri de références de la part de Stipe (Montgomery Clift, Andy Kaufman) va se vendre à plus de 15 millions d'exemplaires, tout en offrant à R.E.M. plusieurs tubes planétaires (dont la ballade « Everybody Hurts », aux allures d'hymne) - et ce, toujours sans le support des concerts.

Dans ce contexte, R.E.M., passé maître dans l'art du contre-pied, surprend son monde avec le brutal Monster (septembre 1994), ses grosses guitares ostensiblement mises en avant (Peter Buck semble en effet avoir enfin trouvé le bouton du tremolo sur l'amplificateur de sa guitare), et un inattendu lyrisme sexuel de la part de Michael Stipe (« Star 69 », « Crush With Eyeliner »). Au faîte de sa gloire, le groupe, visiblement désireux de prouver qu'il sait toujours jouer du rock, emmène l'album sur la route, pour la première fois depuis Green. Deux mois après son lancement, la tournée est marquée par un drame : le 1er mars 1995, lors d'un concert à Lausanne, Bill Berry s'effondre, victime d'une rupture d'anévrisme dont il se remettra toutefois en quelques semaines.

A l'issue de la tournée, R.E.M. entre en studio pour y peaufiner de nouveaux titres enregistrés lors des balances du « Monster Tour ». L'album qui en résulte, New Adventures in Hi-Fi, sort en septembre 1996. Long, inégal et décousu, il marque également un temps d'arrêt dans la trajectoire commerciale jusqu'alors immaculée de R.E.M. - alors même que le groupe vient de prolonger son contrat avec Warner pour la modique somme de 80 millions de dollars (record toujours inégalé). Sans le savoir, R.E.M. entre alors dans une zone de turbulences dont il ne ressortira pas indemne.

En effet, le 30 octobre 1997, Bill Berry, fatigué de la vie de pop star, annonce son départ du groupe. Désarçonnés, ses trois camarades prennent le temps de réfléchir à leur avenir, avant de décider de continuer sous la forme d'un trio, occasionnellement augmenté de musiciens « extérieurs ». Le groupe recomposé se remet au travail, et, pour la première fois depuis Lifes Rich Pageant, choisit de ne pas faire appel à Scott Litt pour produire son nouveau disque. Les séances s'avèrent difficiles (le groupe manque se séparer durant l'enregistrement), mais finissent par donner naissance à Up (septembre 1998), qui, à sa sortie, reçoit un accueil plutôt mitigé (« seulement » 2 millions d'exemplaires vendus). La tournée suivante est néanmoins un succès, avec leur « idole » Patti Smith en première partie (5 juillet 1999 au P.O.P.B. à Paris).

A l'issue de cette crise, le parcours de R.E.M. devient plus linéaire et prévisible, semblable à celui des autres groupes ayant atteint ce niveau de notoriété : un nouvel album tous les trois ans (Reveal,  en mai 2001 ; Around the Sun, en octobre 2004, tous deux décevant les fans). une tournée mondiale tous les deux ou trois albums (en 2005 et en 2009) ; et entre temps, des apparitions diverses sur des bandes originales de films (Man On The Moon, en 1999) et des sorties destinées à « combler les trous » (depuis 2003, R.E.M. a publié deux compilations, un album live et plusieurs DVD). Pour naturelle qu'elle soit, cette « normalisation » déçoit fatalement de la part d'un groupe qui, plus que tout autre, a su concilier exigence artistique et succès commercial.

Le groupe d'Athens décide alors de faire sa révolution. En juillet 2007, il propose au public d'assister à un "concert-répétition" dans lequel la setlist est composée de morceaux anciens et rarement joués et de morceaux en cours d'écriture. Cette remise en question est archivée dans le double CD/DVD Live at the Olympia in Dublin (39 Songs) enregistré en 2007 et paru en 2009. Cette révolution passe par l'envie de se faire plaisir et de plus perdre de temps. L'album Accelerate (2008) voit R.E.M. revenir à ses fondamentaux (un son rock taillé pour la scène) avec une énergie juvénile qui ravit les fans de la première heure. En mars 2011, le trio ressort des studios avec le volontaire Collapse Into Now produit par Jacknife Lee. La marraine Patti Smith fait sa réapparition sur le titre « Blue » tandis que Peaches et Eddie Vedder viennent en appoint sur d'autres morceaux. 

Au cours de l'été 2011, alors que le trio planche sur une rétrospective couvrant trois décennies, il réalise que le temps est venu de tirer sa révérence. Le 21 septembre 2011, c'est la stupeur : le groupe R.E.M. annonce par un communiqué sur son site internet qu'il met un point final à son histoire. Un greatest-hits recouvrant cette fois-ci la totalité de leur carrière (années IRS et Warner Records) est à paraître en novembre 2011.

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