Chris Dave and the Drumhedz

Biographie

Vous connaissez déjà The Drumhedz. C’est juste que vous ne le savez pas. Ce sont eux qui jouent sur vos albums préférés depuis des années ; qui donnent le ton et alimentent le tempo lors des meilleurs concerts auxquels vous avez assisté ; qui font que les nouvelles stars sonnent comme des légendes et que les légendes sonnent comme des dieux ; qui tranquillement accumulent les Grammys sans jamais prononcer pour autant de discours de remerciement ; et qui au final passent au concert suivant avec l’humilité satisfaite du travail bien fait. Ce sont des musiciens de séance et des bêtes de tournée, ou « des mecs qui ont été négligés mais qui sont des tueurs ! » pour reprendre les mots du leader des Drumhedz, Chris Dave, qui pour sa part a tenu la batterie dans les contextes les plus variés, passant d’Adele à Bieber, de Dolly à D'Angelo. « Ils ont tous des histoires comme la mienne. » Alors bien sûr, le premier LP éponyme du groupe met en lumière et en valeur cette famille de musiciens — tous ayant en commun d’avoir gagné leurs lettres de noblesse en accumulant les collaborations, leurs contributions fleurissant tel du lierre autour de la plupart des grands piliers qui font le son de la musique moderne ; tous ayant choisis là de se réunir pour faire ensemble une musique qu’aucun d’entre eux séparément n’aurait pu faire dans un autre projet.
« Je n’ai jamais eu d’idée bien précise concernant la musique qui sortirait de notre réunion », explique Chris. « Mais je pourrais le décrire comme ça : “Cet album il faut l’envisager comme une sorte de portail. Tu t’éloignes de la Terre, de toute cette merde. Tu es toujours en vie, mais maintenant tu es dans notre monde.” » 
C’est un espace où la notion de genre n’a plus cours, où des éléments de funk, de soul, de gospel, de hip-hop et de jazz se mélangent jusqu’à devenir indistincts et former une masse solide de groove. Mais ce n’est pas une jam session pour autant et Chris n’a que faire de briller en solo. Ses compositions sont à l’image de son jeu de batterie : précises mais “tordues” juste ce qu’il faut ; syncopées pour permettre aux idées les plus diverses de fusionner et suffisamment flexibles pour sonner dans n’importe quelles tonalités. En ce qui concerne les habitants de ce monde interstellaire, euh comment dire ? — tout dépend du temps que vous avez devant vous… Ils sont près de 50 musiciens à constituer ce Drumhedz… Vous y trouverez Pino Palladino (basse), Isaiah Sharkey (guitare), Cleo “Pookie” Sample (claviers), Sir Darryl Farris (vocal) et Keyon Harrold (sax) ; mais aussi d’illustres anciens comme James Poyser (the Roots), Stokley Williams (Mint Condition) et Shafiq Husayn (Sa-Ra), et de nouveaux venus comme Anderson .Paak, Bilal, DJ Jazzy Jeff ou encore Phonte Coleman.
« Les gens disent que ce n’est pas possible de réunir des sons aussi variés dans un seul et même espace, dit Chris, mais pour nous c’est juste de la musique. Tu l’apprécies ou pas. C’est un album “pourquoi pas vous ?” »
Cet album, le fondateur de Drumhedz aura en quelque sorte passé toute sa vie à le concevoir. Chris s’est en effet emparé de ses premières baguettes à l’âge de 3 ans, dans l’espoir de frapper les peaux des tambours du groupe de funk de son frère. On ne l’a pas laissé faire, mais il a trouvé une seconde chance à l’église, en se mettant aux percussions. A la maison son père écoutait de la soul et du jazz, sa mère du gospel, et ses deux frères des groupes de funk. Quand il se mit à répéter dans sa chambre, « la vie est devenue comme un jeu vidéo », tant il essayait de façon obsessionnelle de reproduire les styles de musique qu’il entendait. A l’époque où Chris est entré au Collège, il tenait la batterie au sein des chœurs de Houston, accompagnant des chanteurs comme Kim Burrell et Yolanda Adams. Tout ça faisait de lui le candidat idéal pour entrer dans la vénérable High School for the Performing and Visual Arts. Grâce à un programme d’échange universitaire, il allait bientôt s’ouvrir à des rythmiques plus exotiques — passant du traditionnel 4/4 à des métriques venues d’Inde ou du Japon. Chris continua ainsi à parfaire ses techniques de jeu et à multiplier les expériences pour obtenir finalement son diplôme à la Howard University de Washington DC.
« Mais dès la fin du premier semestre, je me demandais bien ce que j’allais pouvoir faire, même avec un diplôme », se souvient Chris. Il n’eut pas à attendre longtemps la réponse. « Mint Condition effectuait une tournée dans les collèges noirs et j’ai séché les cours pour aller les voir. Jimmy Jam et Terry Lewis était là, mes amis quoi, et je suis allé les voir du genre “Salut, vous devriez nous engager.” On n’avait même pas de groupe… Mais Jimmy a dit : “Ok je vous écoute pendant cinq minutes.” Je ne sais même pas ce qu’on a joué, mais ce que je sais c’est que Mint Condition m’a appelé suite à ça pour être leur batteur. »
Rapidement Chris laissa tomber, sollicité par Janet Jackson, et les propositions de travail commencèrent à s’accumuler. Lionel Richie. Mary J. Kenny Garrett. Vivant avec Stokely à Minneapolis, il se mit à concevoir ses propres beats inspirés par Dilla et à composer ses propres chansons. Que ce soit en studio, en tournée ou dans l’intimité, il ne cessa plus dès lors de perfectionner son style. Très vite il rencontra the Time, et il expliqua à Jellybean Johnson qu’il avait appris sa partie de batterie sur “777-9311”. Les membres du groupe se regardèrent ahuris : « C’est quoi cette connerie ? Tu sais que c’était une boîte à rythme non ? Tu n’es pas du tout censé être capable de jouer un truc comme ça. » Ressentant la nécessité d’intégrer tout ce qu’il avait accumulé de savoir entre 2009 et 2012, Chris collabora alors à trois albums qui dans des genres très différents eurent la chance de remporter des Grammy : “BLACKsummer'snight” de Maxwell, “21” d’Adele et “Black Radio” du Robert Glasper Experiment. Si vous regardez attentivement les musiciens crédités sur ces trois LP, vous trouverez les fondations des Drumhedz.
« J’avais toujours rêvé d’appartenir à un groupe », confie Chris, qui alors venait juste d’obtenir son diplôme. « Avec Rob on vivait ensemble à New York et on a commencé the Experiment après Maxwell. Mais il a aussi signé en solo, alors après avoir fait le truc d’Adele, moi, Pino et Poyser on s’est dit, “Faudrait juste qu’on joue de temps en temps”. On a organisé un concert un peu informel à Londres et il a été tout de suite complet. Alors on a commencé à faire les festivals, sous le nom de groupe Chris Dave and Friends, et à partir de là on s’est mis à faire des tournées en se demandant quand même “Comment c’est possible de faire ça alors qu’on n’a même pas de disque ?” »
C’est pourquoi en 2013, ils décidèrent de balancer “Chris Dave and the Drumhedz Mixtape (GLOW365)”, un recueil gratuit de 23-titres rempli de grooves du type “hoche la tête là-dessus” entremêlant tous les genres auxquels ces gars étaient accoutumés depuis des années. Une partie du répertoire provenait de vieux enregistrements — comme celui où Chris, Glasper et Mos Def font bouger les Red Cats de Houston toute la nuit — quand d’autres titres étaient inédits, mais tous annonçaient l’album à venir. Ça prit quelque temps, mais fin 2015, Chris bloqua un mois entier et s’installa au Kingsize Soundlabs de Los Angeles (sa résidence principale aujourd’hui).
Il passa quelques jours à préparer le studio comme il l’aurait fait de sa batterie avant un concert, puis il lança l’appel général, tous les Drumhedz où qu’ils fussent alors affluant pour l’aider à concevoir et fabriquer cette porte qui permettrait au reste d’entre nous d’entrer dans leur monde. Chris se souvient avoir donné à Goapele cette direction artistique pleine de lyrisme pour son interprétation de “Atlanta, Texas” : « Tu n’es pas une femme, tu es le soleil ! » L’idée était d’enregistrer sans relâche. Il couperait et ferait le tri plus tard. Le plus important c’était de nourrir le flux.
« Ce que je veux c’est jouer toutes les nuits dans les festivals, je ne suis pas du genre : “Vous pouvez m’avoir au Carnegie Hall pour 200 $ le ticket, en dessous ce n’est même pas la peine de me parler” », dit Chris. « On veut juste faire la fête. La musique est une façon de s’évader. »
Et de fait l’album s’ouvre sur une séquence qui décolle vraiment pour donner place au rap astral “Universal Language”, sur lequel KRNDN déverse ses rimes tandis que Sy Smith roucoule, et déboucher sur “Dat Feelin'”, qui sur un rythme de go-go s’avance vers le centre de la galaxie — on peut presque se figurer les astéroïdes qui déferlent dans la poussière spatiale dans les riffs de cuivres et les breaks de batterie. Mais au-delà de cette dimension cosmique ce sont des chansons très humaines. .Paak détaillant l’idée de lutte dans toutes ses dimensions dans “Black Hole” ; les émotions conflictuelles prenant forme musicale dans “Sensitive Granite” ; “Whatever” se déployant à la manière d’une escapade coquine ; Bilal et Tweet reprenant les choses là où Marvin Gaye et Tammi Terrell les avaient laissées dans “Spread Her Wings”. Au-delà de leur virtuosité d’un autre monde, les Drumhedz sont ce qu’ils sont par leur capacité à entrer en connexion. A la fin de la journée, ce sont juste des mecs qui se sont réunis et ont fait des choses ensemble. Et maintenant qu’ils l’ont fait, vous pouvez vous dire que vous pourriez vous aussi devenir un Drumhed.

“Chris Dave & The Drumhedz”
Sortie le 26 janvier 2018