Stinky Toys

Naissance

France

Biographie

Punks et nonchalants, dandys glamour des nuits keuponnes de Paname, Stinky Toys, le groupe qui révéla Jacno et Elli Medeiros, fit partie de la première vague punk-new wave française aux côtés d’Asphalt Jungle et de Bijou, lorsque le style se présentait davantage comme une pose et une esthétique qu’un courant musical contestataire, une ambiance et une esthétique qui conduiront les deux leaders du groupe à se tourner ensuite vers la techno-pop.

L’histoire des Stinky Toys, c’est avant tout l’histoire d’un couple. Adam et Eve de la vague punk du début des années 70, c’est dans le jardin d’Eden des bars d’Oberkampf et de République que les deux tourtereaux à crêtes Jacno (ex-Bloodsucker devant son pseudonyme à l’illustrateur des cigarettes Gitanes) et Medeiros (fille d’une actrice Uruguayenne) croquèrent la pomme de la musique alternative. C’est au cœur de ce Paris-Paradis Perdu noyé sous les flots de nectar, d’ambroisie, de Valstar et de 33 Export – où se croisaient indifféremment les serpents tentateurs Alain Pacadis, Patrick Eudeline, Yves Adrien ou Marc Zermati – que  le couple pêcheur  fut expulsé et condamné à accoucher dans la douleur d’enfants qui allaient constituer la première vague de l’univers punk des nuits parisiennes. Et le premier de ces bébés joufflus et vagissants fut Stinky Toys, résultat de l’union de la Belle et du Cas Un.

Groupe influencé davantage par le rock et la pop que par la scène londonienne et new-yorkaise, les Stinky Toys furent l’un de ces proto-groupes punks qui écumèrent les bars branchés de la capitale, traînant leurs guêtres dans les festivals underground, les salles d’expos à la périphérie de la contre-culture et les boîtes branchées, côtoyant aussi bien les authentiques fils de prolos que la jeunesse dorée en mal de rébellion. Cependant, malgré leur attachement à la capitale française, c’est sur les planches londoniennes que les Stinkys Toys font leurs premiers pas en 1976 (au 100 Club), en compagnie du must-see britannique de ces années-là (Clash, Sex Pistols, Buzzcocks, The Damned...).

Malgré des performances plutôt banales et de l’avis de certains, ratées, les Frenchies se font remarquer de la presse rock de Grande-Bretagne et Elli fait une semaine après leur premier concert la couverture de l’hebdomadaire rock Melody Maker. Cette soudaine popularité leur vaut d’être approchés par Malcolm McLaren, le génial margoulin visionnaire à l’origine du lancement des Sex Pistols. Le producteur-pygmalion de la bande à Rotten et Vicious ira d’ailleurs jusqu’à recycler l’idée des épingles à nourrice dont se sert Medeiros pour maintenir son pantalon en place pour faire de cet ustensile l’icône punk par excellence.

Très glam bien qu’agressive et incisive, la musique des Stinky Toys trouve son public, mais celui-ci reste confiné à Paris et à quelques îlots contre-culturels très limités, ce qui était par ailleurs le cas de la quasi-totalité de la première génération punk hexagonale qui ne dépassa généralement jamais les frontières de la capitale.

Se revendiquant haut et fort de Françoise Hardy et prétendant trouver leur inspiration chez France Gall, les Stinky Toys furent probablement le premier groupe de la mouvance punk à associer musique et autodérision. Jacno, pour sa part, pousse la dérision jusqu’à demander à sa boîte de production de voir son cachet réglé en bières Valstar (la marque mythique qui accompagna l’émergence du mouvement punk en France…).

Jamais tout à fait dans le système, mais jamais vraiment en dehors non plus, les Stinky Toys sont assez représentatifs de ce que furent les premiers punks sur la scène française, scène qui se radicalisa politiquement au tournant des années 80 et poussa les dandys pionniers vers la new wave.

Stinky Toys, à l’image de Bijou ou Asphalt Jungle, n’échappe pas au déterminisme punk. Malgré deux albums sortis assez confidentiellement à l’époque, mais mythiques aujourd’hui (dont l’un des titres, « Lonely Lovers » sera plus tard repris par Lio qui le francise en « Amoureux Solitaires »), les Stinky Toys n’émergèrent jamais vraiment sur un plan national ou international. Leur public, certes boosté par les chroniques d’Yves Adrien dans Rock & Folk ou d’Alain Pacadis dans Libération, n’avait pas grand-chose en commun avec celui qui, quelques années plus tard, se précipitera aux concerts des artistes estampillés Boucherie Productions.

En 1979, le groupe se sépare après seulement deux albums, quelques 45 tours et  trois ans d’existence. Si quelques membres poursuivent l’aventure rock, Elli et Jacno forment un duo avant que chacun ne finisse par prendre sa propre voie en solo. Jacno se lance dans la musique techno-pop et dans la composition de bandes originales de films, alors qu’après un petit passage par la variété, Elli (« Toi, toi, mon toit ! Toi, toi mon tout, mon roiiiiii » c’est elle !) s’oriente vers le rock glamour, la bande dessinée, le théâtre et le cinéma, devenant une icône résolument pop.

A l’image de ses confrères de la grande époque 1975-80, Stinky Toys a connu une existence aussi brève qu’intense, lorsqu’une demi-douzaine de groupes représentaient à eux seuls la scène punk française. Malgré la brièveté de leur carrière, ils restent l’une des formations symptomatiques de la charnière du punk français et de la transition – parfois difficile – entre deux décennies phares pour ce genre.