Rachid Taha

Naissance

18 Septembre 1958, Algeria

Biographie

Leader du premier groupe en exercice dans l'Hexagone à avoir pacifiquement pris d'assaut l'Assemblée Nationale, Algérien (il ne sollicitera jamais la nationalité française, en hommage à un oncle tué par l'armée française) mais citoyen du monde, Rachid Taha est l'un des rares exemples d'artistes à avoir enflammé les pistes de danse, suscité l'intérêt des amateurs de chansons à texte, réveillé l'énergie des rockers, et fait vibrer l'âme d'une musique du monde, débarrassée des scories du colonialisme. Les années 80 - période de son éclosion artistique -sanctionnent en effet l'émancipation des jeunes originaires d'Afrique du nord, mais vivant en France, et donc écartelés entre deux cultures. Abordant ainsi avec la même fougue le raï de ses racines, la funk music ou le punk, il développera un talent protéiforme tout à fait unique. Ce n'est donc pas un mince exploit d'avoir embrassé autant de styles différents, sans jamais perdre sa personnalité, ni son intégrité. Rachid Taha peut prétendre entrer au Panthéon imaginaire du rock françaoui avec Zoom en 2013.

Cheb Rachid Taha est né à Sig (ville célèbre pour ses oliveraies), près d'Oran, en Algérie occidentale, le 18 septembre 1958. Traumatisé par la guerre d'indépendance, et peu satisfait des nouvelles orientations politiques du pays, le père de Rachid se résout à l'exil. La famille s'installe en Alsace, puis rallie les Vosges, et le village lorrain de Lépanges-sur-Vologne (rendu célèbre dans les années 80 par l'affaire Grégory). Placé par sa famille - qui y voit l'une des clés de la réussite sociale - dans une institution catholique, c'est à l'âge de vingt ans que Rachid acquiert son indépendance, pour devenir représentant de commerce, et vendre au porte à porte des romans français. Cette expérience tourne court, et il retrouve sa famille, depuis peu installée à Lyon.

Dès cette fin d'adolescence, et malgré la montée des tensions racistes qui accablent alors la société française, le jeune homme refuse de s'abriter au sein de sa propre communauté, préférant le péril de l'ouverture, à la fausse sérénité du ghetto. Ainsi, il découvre le travail en usine (où il monte des radiateurs), et plus gratifiant, toutes les musiques du monde : de Led Zeppelin à Oum Kalsoum, Taha se nourrit de l'ensemble des émotions musicales qui passent à sa portée.

C'est en pleine tournée en Allemagne (1989) que Carte de séjour se sépare : le groupe ne fait là que transcrire la profonde crise d'identité qui accable à l'époque l'ensemble de ses collègues. Taha part aux Etats-Unis, où il participe à un projet, avorté, avec Don Was (du groupe Was Not Was). Les pérégrinations du chanteur le ramènent alors à ses origines, et c'est à Oran qu'il prépare son premier album en nom propre (Barbès). Titre inopportun (auquel s'adjoint la chanson « Le Bled »), puisque, sorti au déclenchement de la guerre du Golfe, il vaut à l'album d'être l'objet de l'ostracisme des stations de radios.

En 1993, Taha retrouve Hillage pour un deuxième album, simplement éponyme, emmené par l'extraordinaire « Voilà Voilà » : le rythme très dansant en fait un favori des clubs anglais, et le texte, citoyen et clairement anti-Le Pen, décrypte sans ambiguïté les travers du racisme. Hymne national à la différence, « Voilà, Voilà » offre un équilibre rare entre danse et réflexion. A noter également « Indie », duo avec Bruno Maman, et « Ya Rayah », ballade qui bénéficiera d'un nouvel enregistrement quelques années plus tard, pour le compte de l'album Diwan... et qui est devenue, depuis, l'hymne de la jeunesse de Beyrouth.

On ne change pas une équipe qui convainc : en 1995, le tandem Taha/Hillage édite le plus electro Olé Olé : entraîné par une phénoménale photo de recto de livret faisant figurer un Taha blond peroxydé, et les yeux bleus, le disque ouvre encore davantage, si possible, les chants/champs musicaux de l'artiste : de la Louisiane au Mexique en passant l'Arabie et la techno new-yorkaise, Taha a manifestement choisi de ne pas choisir. Il part également en guerre contre le chômage, et ironise sur la devise de la République Française, figurant au frontispice de toutes les mairies, puis adresse un amical salut à Quentin Tarantino dans « Jungle Fiction ». Olé Olé peut en fait laisser penser à un virage définitif vers l'electro, à tort.

1997 est utilisé comme un résumé de chapitres précédents, avec l'édition de son premier « best of », le double CD Carte Blanche. Une certaine boucle est bouclée en 1998, avec Diwan, album de reprises (« mon équivalent à l'album Rock 'N' Roll de John Lennon ») de classiques chaâbi (musique citadine algérienne), de standards du groupe Nass El Ghiwane (de Casablanca, et engagés, ils ont été surnommés les Rolling Stones de l'Afrique) ou de Farid El Atrache (libanais, maître du oud). Steve Hillage est de nouveau aux manettes.

Et c'est encore lui qui endossera la défroque de directeur artistique du show de Bercy 1, 2, 3 Soleil (en décalque du plus classique concert des Trois Ténors), où, en 1998, Taha, en compagnie de Faudel et Khaled, se produira devant près de 20.000 personnes. L'événement, historique, fera naturellement l'objet d'une sortie d'album, comprenant entre autres une version en trio du « Comme d'habitude » de Claude françois. Cette année-là sera par ailleurs celle des concerts, aux Etats-Unis, puis dans une gigantesque tournée française, au Québec, et enfin aux Francofolies de La Rochelle.

En 1999, première pour le chanteur, qui se produit en Egypte, et qui, malgré son succès, peut constater que son arabe n'est pas toujours bien compris sur les rives du Nil ! Made In Medina est le disque de l'an 2000 (il obtiendra une Victoire de la Musique), et, comme à l'habitude, Rachid Taha, toujours secondé par Steve Hillage, fait imploser les habitudes, intégrant cette fois la musique néo-orléanaise, et la mystique vaudou, à ses influences. On note parmi les invités la présence de Geoff Richardson, violoniste du groupe anglais Caravan, ou de Femi Kuti, fils de Fela.

Les années suivantes permettent au Franco-Algérien d'assouvir sa soif de voyages : après une désormais traditionnelle tournée française (et en particulier dans les festivals estivaux), il se produit aux Etats-Unis, au Canada, puis entame une exceptionnelle tournée asiatique, qu'il parachève par quelques concerts en Australie et en Nouvelle-Calédonie, en Espagne et en Belgique. Partout, la même ferveur, et le même rassemblement dans un creuset de multiples cultures musicales. En toute logique, un album live sobrement intitulé Rachid Taha Live, et enregistré à L'Ancienne Belgique de Bruxelles est édité en 2001.

Septembre 2004 voit la sortie d'un nouvel album énigmatiquement intitulé Tékitoi ?, sombre et introspectif. Si Steve Hillage est toujours présent, le disque, enregistré entre le Caire, Londres et Paris, accueillent rien moins que Christian Olivier (Les Têtes Raides) ou Brian Eno, ainsi qu'un duo avec Kaha Beri, superstar géorgienne de la chanson. La percutante version du « Rock El Casbah » des Clash (enregistrée en hommage à Joe Strummer, disparu deux années auparavant) sera un nouveau succès, qui prendra tout son sens dans les nombreux concerts organisés à la suite de la sortie du disque. Et un émouvant souvenir d'un concert donné par les Britanniques dans la salle parisienne de Mogador, et de l'impression durable, toute en sensation de maladresse et de sincérité, qui en avait résulté pour Taha. On peut relever dans les thèmes des chansons, résolument rock, outre les habituelles préoccupations sociales, des questionnements plus existentiels et personnels.

Taha poursuit son expatriation artistique en se produisant en 2005 en Russie en compagnie de Brian Eno, puis en Grande-Bretagne et, de nouveau, aux Etats-Unis. En 2006 sort Diwan 2, comme son nom l'indique nouveau florilège nostalgique et enraciné, où il est cette fois accompagné par l'Ensemble de Cordes du Caire. La même année, son nom figure au programme de Stop The War Coalition, album collectif recueillant des fonds hostiles à l'expansionnisme armé des Etats-Unis. En 2009, sa collaboration avec Gaëtan Roussel de Louise Attaque sur Bonjour ne convainc pas. L'album n'a pas le retentissement habituel d'un disque de Rachid Taha, il semble alors sur la pente descendante aux yeux de beaucoup.

Shpinx rock par excellence, Rachid Taha administre une réponse cinglante en 2013 avec un Zoom digne du Panthéon du rock français.