Henri Salvador

Nom de naissance

Henri Gabriel Salvador

Naissance

18 Juillet 1917, Sinnamary, Guyane, France

Biographie

D’une formidable longévité professionnelle qui lui a valu l’admiration du public, le parcours marathonien d'Henri Salvador tient du phénomène, au point parfois de faire oublier la richesse de sa carrière, mirifique synthèse entre le music hall français, le jazz, le rock n’roll et la bossa nova.

Les origines de Salvador sont aussi mélangées que son travail d’artiste : né d’un père d’origine espagnole et d’une mère indienne caraïbe, le petit Henri pousse son premier couinement le 18 juillet 1917, à Cayenne. En 1924, la famille Salvador quitte le soleil de la Guyane pour s’installer en Métropole, dans la capitale. Le jeune garçon des îles se fait titi parisien et décevra rapidement son père qui le voyait devenir médecin ou avocat. Faisant sans complexes l’école buissonnière, il se fait un peu d’argent de poche en jouant de la musique (batterie, trompette) dans un restaurant chinois. Henri a 11 ans quand un cousin lui fait découvrir le jazz, avec Duke Ellington et Louis Armstrong. Emballé par cette musique inédite et métissée, il décide une fois pour toutes de devenir musicien, tout en multipliant les petits boulots. On le voit notamment gagner sa vie en faisant le pitre aux terrasses de café. En 1933, après avoir tâté du violon et de la trompette, il se paie sa première guitare et apprend à s’en servir en autodidacte ; il se fait ensuite embaucher dans l’orchestre de Paul Raiss. En 1935, l’ouverture du Jimmy’s Bar, forme un quartette de jazz avec notamment son frère André à la guitare. Henri Salvador trouve déjà le ton qui fera une partie de son succès : un mélange de drôlerie et de douce mélancolie. Le succès commence à arriver et Django Reinhardt en personne l’engage comme accompagnateur. En tant que guitariste, Henri travaille ensuite pour le violoniste de jazz Eddy South, qui lui permet de mieux connaître la musique noire américaine.

Mais la carrière naissante de Salvador va être interrompu par ses obligations militaires : en 1937, il entre sous les drapeaux. Caserné à Paris, il continue de fréquenter les cabarets et de s’y produire, mais les menaces, puis la déclaration de guerre, vont mettre un terme à la rigolade. Henri doit attendre 1941 pour rejoindre la zone libre : c’est là, à Cannes, qu’il relance sa carrière en travaillant dans l’orchestre de Bernard Hilda, puis en étant repéré par Ray Ventura, qui le débauche pour intégrer son ensemble Les Collégiens en qualité de « musicien fantaisiste ».

Ventura entamant une longue tournée à travers l’Amérique du Sud, Salvador saisit cette opportunité de s’éloigner de l’Europe en guerre. Les Collégiens sont moyennement reçus par le public de Rio de Janeiro. Le deuxième soir, craignant un nouveau bide, Ray Ventura demande à Salvador d’improviser. Henri fait rire la salle avec une imitation de Popeye, et conquiert en quelques jours le public local. Ray Ventura et ses Collégiens poursuivent avec succès à travers l’Amérique Latine une tournée où Salvador prend peu à peu la vedette. De 1944 à 1945, tout en continuant de se produire avec les Collégiens, Henri Salvador démarre même une carrière en solo au Brésil, où il fait concurrence dans leur propre langue aux artistes locaux.

Revenu en France en 1945, il commence de travailler comme compositeur. Un peu lassé de ne tenir que des emplois de fantaisiste auprès de Ventura, il monte en 1946, avec succès, son propre orchestre. L’année suivante, après avoir fait la première partie du spectacle d’Andrex à Bobino, il propose au directeur de l’embaucher en vedette à part entière. C’est un succès, qui lance sa carrière sur orbite : en 1948, il interprète sa première opérette Le Chevalier Bayard à l'Alhambra, avec Yves Montand. En 1949, il remporte la bagatelle de deux premiers grands prix du disque à lui seul,  avec « Parce que ça me donne du courage » et « Le portrait de Tante Caroline ». Cette même année, il enregistre « Le Loup, la biche et le chevalier », alias « Une chanson douce », l’un de ses plus grands succès. On n’arrête plus Salvador : six mois de représentations à Paris en 1954, apparitions à la télévision américaine… La rencontre avec l’écrivain, musicien et parolier Boris Vian le fera progressivement s’éloigner du jazz : il composera près de 400 titres avec l’auteur de L’Ecume des jours .

Sous le pseudonyme d’Henry Cording, il enregistre des morceaux de rock n’roll en français écrits par Vian et composés par Michel Legrand : « Rock and roll-mops », « Dis moi qu'tu m'aimes rock », « Va t'faire cuire un oeuf, man » et « Rock hoquet ». Cette parodie de rock (Salvador et Vian n’appréciaient pas ce genre de musique) fait pourtant historiquement d’Henri Salvador le premier rockeur français.

Le début des années 1960 marque une évolution dans la carrière du showman : après un gros succès remporté à la télé italienne, Salvador décide de délaisser la scène pour se concentrer sur la télévision et l’édition musicale. Il fondera avec son épouse Jacqueline les labels Disques Salvador, puis Rigolo, qui produisent plusieurs gros succès discographiques : « Le Lion est mort ce soir », « Zorro est arrivé », « Syracuse », « Le travail c'est la santé », ou « Juanita Banana ». Ils fonderont en 1972 leur propre réseau de distribution. En 1968 et 1969, Salvador interprète pour la télévision française le show « Salves d’or », qui remporte un gros succès. Mais il se brouille avec l’ORTF, qui lui reproche le coût trop élevé de ses spectacles.

Dans la première moitié des années 1970, Henri Salvador se tourne vers le jeune public, produisant et interprétant plusieurs disques pour enfants, dont certains tirés des productions Disney : il remporte en 1971, pour le disque Les Aristochats, qu’il réalise entièrement seul, le prix de l’Académie Charles Cros.

En 1973, il revient aux grands spectacles télévisuels de variétés avec neuf émissions exceptionnelles, « Dimanche Salvador ».

Mais 1976 donne un sérieux coup d’arrêt au système Salvador : son épouse, moteur des entreprises du couple, meurt. Terriblement affecté, Henri continue ses activités, apparaît à la télévision, mais devra attendre 1982 pour faire son grand retour sur scène,  donnant plus de 60 représentations sous un chapiteau Porte de Pantin. En 1985, il se produit au Palais des Congrès.

Nommé Chevalier de la Légion d’Honneur en 1988, couvert d’honneurs, d’hommages et de rétrospectives, Salvador semble se diriger vers une gentille retraite de grand-père du showbiz. Mais des producteurs futés se gardent bien d’enterrer cet octogénaire toujours incroyablement vaillant : en 2000, à la surprise générale, Salvador fait un retour fracassant avec l’album Chambre Avec Vue, composé de treize chansons alliant swing et rythmes brésiliens, composées par de jeunes auteurs comme Keren Ann, Thomas Dutronc et Benjamin Biolay (auquel il reprochera de tirer la couverture). A 83 ans, Henri Salvador renoue avec les cimes des ventes et remporte un disque d’or.

En 2001, il remporte une Victoire de la Musique en qualité d’interprète masculin de l’année et entame une tournée composée d’une soixantaine de dates, dont un Olympia. Nouvel album Ma Chère et Tendre en 2003, pluie d’honneurs et nombreux concerts en 2004 pour un grand-père frétillant comme un gardon, qui se paie en 2005 le luxe d’être le parrain de l’année du Brésil en France.

C’est sous le signe de ce pic de carrière que Salvador choisit en 2006 d’annoncer sa retraite, avec l’album Révérence, enregistré en partie à Rio de Janeiro, dans un élégant mélange de  bossa nova et rythm n’blues. Henri Salvador ne disparaît pas pour autant complètement et enregistre l’année suivante un duo avec Emmanuel Donzella. Après un concert d'honneur en la Salle Pleyel le 26 octobre 2007, le doyen de la chanson française reçoit un chaleureux plébiscite pour le dernier concert de sa carrière, le 21 décembre au Palais des Congrès, seulement quelques semaines avant de succomber à une rupture d'anévrisme à son domicile de la Place Vendôme dans la matinée du 13 février 2008. Un grand hommage lui est rendu par les fans de tous âges.

Spécialiste du mélange des styles et du grand écart artistique, showman « à l’américaine » et interprète à la gouaille typiquement française, enfant des îles et titi parisien, mémoire du showbiz, mais ami des jeunes créateurs, Henri Salvador aura su se maintenir à flots malgré les modes et le temps, ressuscitant sa carrière sous le signe d’un métissage autant personnel qu’artistique. On se souviendra sans doute autant de son talent artistique que de la fantastique envolée de sa fin de carrière, qui le vit défier l’âge, le temps, la mort, pour retrouver son public sous le signe d’une jeunesse éternelle. Belle révérence pour un poète de la joie de vivre.