Jean Guidoni

Naissance

3 Mai 1952, France

Biographie

Sur fond de tango, de blues, de rock parfois, ou de simples mélodies au piano, Jean Guidoni, homme de scène, a imposé lentement un univers  très personnel, fait de ses propres blessures et empreint d'une provocation qui lui a valu d'être boudé par le grand public. Son oeuvre parfois complexe, récompensée maintes fois par la profession, axée sur les thèmes de l'exil, du spectacle, de la nuit, de l'homosexualité, et finalement révérée par les nouvelles générations, mériterait un plus grand éclairage médiatique maintenant qu'elle semble plus sereinement portée par l'artiste lui-même. Les albums Je Marche Dans les Villes en 1981 et Tigre de Porcelaine en 1987 reçoivent le Grand Prix de l'Académie Charles-Cros, témoignage de l'importance de cet artiste inclassable. En 2007, l'album La Pointe Rouge signe une certaine reconnaissance par les participations de Dominique A, Katerine, Mathias Malzieu et Jeanne Cherhal. Deux hommages à Jacques Prévert (Étranges Étrangers, 2008) et à Allain Leprest (Paris - Milan, 2014) suivent.

Jean Guidoni est né à Toulon, le 3 mai 1952. Il passe sa jeunesse dans les quartiers chauds de Marseille où de nombreuses expériences nocturnes vont peu à peu façonner son romantisme quelque peu torturé. A vingt ans, il tente sa chance dans le Paris des années soixante dix et sort, en 1975, un premier 45-tours intitulé « La Leçon d'amour ». Mais en réalité, il peine à imposer sa vision d'un monde teinté d'une noirceur baroque, jugée peu commerciale par les directeurs artistiques : le personnage qu'on veut lui imposer à l'époque pour « faire carrière » est si peu en rapport avec ses aspirations qu'il songe, pendant un temps, à tout abandonner.
 

« La vie est un cabaret »

Mais l'année suivante, il rencontre Jacques Lanzmann, parolier et grand complice de Jacques Dutronc, qui lui écrit le texte de la chanson « Le Têtard ». Grâce à ce titre, il sort de l'anonymat et recueille un succès d'estime qui lui permet de participer, durant l'été 1977, à la tournée de Marie-Paule Belle et de Serge Lama. Un soir de 1978, il découvre par hasard sur une scène de la capitale, Ingrid Caven. Pour Jean Guidoni, c'est une véritable révélation. Il se reconnait complètement dans cette esthétique du Berlin décadent des années vingt et trente, qu'elle fait vivre sur scène grâce aux textes de Rainer Fassbinder, cinéaste, écrivain et compositeur homosexuel allemand avec qui l'interprète féminine a pourtant été mariée. Jean Guidoni va alors à la rencontre de Pierre Philippe, traducteur de Fassbinder en France, pour composer son propre répertoire.

Ambiances

En 1980, c'est un nouveau Jean Guidoni qui apparait sur la scène du Théâtre en Rond, visage fardé, vêtu de noir. Son album Je Darche Dans Les Villes est sacré prix Charles-Cros en 1981, il chante la rue, sa faune urbaine, l'homosexualité, les amours déchirées, l'ambiance des cabarets et conquiert son public qui lui restera toujours fidèle (certains y voient une sorte d'écho français à l'atmosphère à la Kurt Weill façonnée à peine dix ans auparavant par le tandem David Bowie-Lou Reed).

Ecorché vif jusqu'au-boutiste

Après avoir signé chez PolyGram, il étoffe son registre et aborde le tango avec l'argentin Astor Piazzolla pour l'album Crime Passionnel qui sort en 1982. Il reçoit le Prix Edith Piaf et le Grand Prix du Disque Européen, encouragements de bonne augure puisque Guidoni enchaîne avec Le Rouge Et Le Rose (1983). Avec ces disques, qui sont surtout les témoignages de spectacles complets, car la scène est le moyen d'expression que le chanteur privilégie, il s'immerge un peu plus dans les thèmes du sexe, de la rue et la détresse de l'homme, qui lui ferment définitivement les portes de la variété grand public, catégorie dans laquelle, de toute façon, il ne s'est jamais senti à son aise. En 1985, il collabore pour la dernière fois avec Pierre Philippe et pour la première fois avec Alain Bashung. Ensemble ils co-écrivent quelques titres de l'album Putains.


Tigre en public

En 1987, Tigre de Porcelaine, moins scandaleux, lui fait obtenir une seconde fois le prix Charles-Cros et la faveur des radios. Guidoni, qui écrit désormais la majorité de ses textes, se produit entouré d'une danseuse et de deux pianistes, au Théâtre en Rond. Le spectacle donne naissance à un premier disque live Concert 89 et séduit le Printemps de Bourges, mais, pour cause de surmenage, l'artiste craque et s'enfonce dans la dépression. Quelques Jours en Trop, le livre qu'il signe en 1991, révèle ce qu'a vécu cet écorché vif, ses angoisses et ses doutes, au cours de cette période.

Artiste complet

Dans les années 1990, Guidoni revient plus serein. Il produit et met en scène plusieurs spectacles (au Cirque d'Hiver et à l'Auditorium des Halles, avec des danseurs contemporains et un groupe de musiciens essentiellement composé de femmes) grâce auxquels il parvient à parler, à travers l'aveu de son homosexualité, du sida et de la discrimination. En 1992, il participe sur la scène de l'Opéra Garnier, au spectacle pluridisciplinaire Les Rendez-Vous de Prévert et Kosma. Il signe en 1995 le remarquable disque Vertigo, sur des musiques de Michel Legrand, avec qui, l'année suivante, il crée le spectacle Comment faire partie de l'orchestre. Salué par la critique pour son humour et sa qualité, il reçoit la Victoire de la Musique du meilleur spectacle cette année là.


En rond

Pour célébrer vingt ans de carrière, une compilation Fenêtre sur Coeur sort en 1997. C'est l'occasion de revenir faire un tour sur la scène qui l'a révélé, le Théâtre en Rond, rebaptisé depuis peu L'Européen, accompagné de Gérard Daguerre au piano et de Dominique Mahut aux percussions. Pour l'occasion, il est photographié par Pierre et Gilles du magasine Têtu, ce qui laisse peut de doute quant à sa stature d'icône homosexuelle. L'année suivant, Guidoni retrouve son complice parolier Pierre Philippe. Ils créent un spectacle pour lequel il renoue avec l'esthétique « fin de siècle »... C'est d'ailleurs le nom donné à cette grande rétrospective à laquelle, participent entre autres, Juliette et François Hadji-Lazaro.


Couronné par la jeune génération

Si une nouvelle génération d'auteurs-compositeurs s'intéresse à l'oeuvre de Jean Guidoni, c'est peut être grâce au recul de ces deux décennie passées, digérées et désormais totalement assumées par l'artiste lui-même, puisqu'il rejoue au Cabaret Sauvage, le spectacle qu'il avait présenté à l'automne 1982 au Théâtre des Bouffes du Nord, Crime Passionnel, avec la complicité de Pierre Phiippe. Après l'écriture d'un roman, Guidoni, désormais infatigable, concocte en 2004 avec Edith Fambuena, (ancienne membre du groupe Les Valentins, qui a réalisé nombre d'albums d'artistes émergeant dans les années 2000) le disque Trapèze. Il présente à nouveau des textes sombres et romantiques mais loin de l'image du cabaret désenchanté de ses débuts.


Auteur du peuple

En 2007, de nouvelles références de la chanson française (références aussi éclectiques que douées) le rejoignent sur l'album La Pointe Rouge : Dominique A, Mathias Malzieu de Dionysos, Katerine, Jeanne Cherhal et Nicolas Deutsch (bassiste et arrangeur de Thomas Fersen) pour des chansons toujours aussi ciselées et poétiques sur l'exil, la différence avec des mélodies tout à fait dans l'air du temps. En 2008, sort Etranges Etrangers une interprétation des textes d'un artiste qui, pour Guidoni lui-même, « reste et restera l'auteur du peuple », Jacques Prévert. À chaque génération son maître. En 2014, c'est pour un album de textes inédits du regretté Allain Leprest, Paris - Milan, que Jean Guidoni revient au disque.