Django Reinhardt

Nom de naissance

Jean-Baptiste Reinhardt

Naissance

23 Janvier 1910, Liberchies, , Belgium

Biographie

Il n'existe qu'un Django, et lequel ! Évoquant aussitôt un style de jeu et un toucher extraordinairement virtuose, Django Reinhardt est également capable d'envolées lyriques reconnaissables entre toutes. Père spirituel du style nommé aujourd'hui « jazz manouche », ou « swing gitan » de par son ethnie tzigane, il est la figure incontournable, le créateur d'un style très en vogue depuis quelques années, certainement grâce à des artistes tels que Sanseverino ou Biréli Lagrène (digne héritier de Django) qui ont rendu cette musique plus accessible au grand public.

Le 23 janvier 1910, à Liberchie, en Belgique, Django (qui en manouche, signifie « Je réveille ») voit le jour dans une roulotte, comme tous les gens du voyage, pendant que sa famille donne un spectacle au café « chez Borsin ». Il est baptisé le 26 en l'église Saint-Pierre. Son père, Jean-Baptiste Eugène Weiss, né en 1882, est pianiste et violoniste ambulant. Très tôt, Django est attiré par la musique. Il se met au violon à cinq ans, ce qui demande une oreille très développée, surtout à cet âge. Les Reinhardt voyagent et passent par l'Afrique du Nord, l'Italie, la Corse, l'Algérie en 1915 pour revenir en France en 1918 avec son frère Joseph, dit « Nin-Nin », de deux ans son aîné.

A l'abri de la première guerre mondiale dans sa roulotte qui a traversé une partie du monde, les Reinhardt s'installent à la barrière de Choisy (proche de Paris). Django se voit offrir un banjo-guitare pour ses douze ans par un de ses voisins ; c'est ainsi que, jour après jour, il joue sans cesse, sur des cordes rouillées, ses doigts souffrant mais avec le sourire aux lèvres.

On s'interroge parfois sur sa technique de main droite, probablement vient-elle de ses débuts au Banjo avec Gusti Malha et Poulette Castro, qu'il fréquente et avec qui il joue. A cette époque, Django Reinhardt fait la manche pour nourrir sa famille, et se fait repérer ainsi par Guérino, accordéoniste de bal qu'il accompagnera quelques jours plus tard. Il multiplie ainsi les expériences musicales dans le style musette jusqu'au 2 novembre 1928...où sa vie bascule.

Cette nuit là, dans la roulotte familiale, sa femme Bella Baumgartner avait fabriqué des petites fleurs en celluloïde qui devaient être vendues au cimetière le matin même. Django allume une bougie mais celle-ci enflamme les fleurs, et bientôt c'est la roulotte qui flambe... sa femme en réchappe, mais le guitariste est prisonnier des flammes. Se protégeant le visage de sa main, il en ressort, totalement brûlé sur le coté gauche, avec une main atrophiée.
Refusant l'amputation préconisée par les médecins, son frère Joseph lui offre une guitare en guise de rééducation. Il se réinvente, dans la souffrance, une technique à deux doigts. Lentement, il rejoue bientôt aussi brillamment qu'avant. C'est également à cette époque qu'a lieu la naissance de son premier fils, Henri « Lousson » Baumgartner.

Django Reinhardt sort de l'hôpital en 1930, et quitte Paris avec sa cousine Sophie « Naguine » Irma Ziegler qui devient sa compagne. Il se rend à Toulon, ou il y retrouve son frère. Bientôt, il est découvert par le peintre Émile Savitry. Ce dernier fait écouter à Django ce qu'il avait raté durant son hospitalisation : du jazz. Louis Armstrong et Duke Ellington entre autres. Cette révélation est décisive.

Le 28 mai 1931, il réalise son premier enregistrement à la guitare avec Louis Vola et son orchestre. Il est engagé dans la Boite à Matelot à Cannes, qui aura une version parisienne le 22 décembre 1932. Django est présent a l'inauguration, et évidemment... il casse la baraque. Le chanteur Jean Sablon, qui y assiste, ne s'y trompe pas. Admiratif, il lui propose une tournée, ainsi que des enregistrements. Le guitariste manouche accepte. Il fait entre temps la connaissance d'un violoniste, Stéphane Grappelli, qui joue à La Croix du Sud. Ils jouent jusque tard dans la nuit, donnant naissance à un style qui, peut être l'avaient-ils prédit, allait être à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire du jazz.

En 1934, ils décident de fonder le mythique Hot Club de France avec Joseph Reinhardt à l'accompagnement (guitare), Louis Vola (contrebasse) et Roger Chaput (guitare). Cette formation est unique. C'est le premier orchestre à cordes français (et même, européen) a s'intéresser au jazz de cette façon, Django apportant une touche inédite. Ce qui déplaît a la firme Odéon qui les qualifie de trop moderne ! L'enregistrement n'est donc pas publié, mais l'équipe a tôt fait de se consoler : Ultraphone accepte non seulement leurs enregistrements (dont le swinguant « Ultrafox » composé pour l'occasion) mais en plus, quelques mois plus tard, la troupe est engagée au boulevard de Montparnasse avec le trompettiste Arthur Briggs et le saxophoniste Alix Combelle. Une nuit, Coleman Hawkins est dans le public, puis Louis Armstrong : les musiciens qui avaient fait chavirer le coeur de Django sont venus écouter la musique du Tsigane. Ils donnent leur premier concert a l'Ecole Normale de Musique, ce qui est une véritable révélation pour le public. D'où vient donc ce style, ce jazz partagé entre un violoniste lyrique et un guitariste manouche au toucher magique ? Tout de suite, Django Reinhardt est reconnu comme un des plus grands guitaristes de jazz. Il accède enfin à la gloire.

Malgré quelques décalages avec ses compagnons (il arrive presque systématiquement en retard aux concerts, quand il est présent...), ils enregistrent un grand nombre de morceaux, Django étant capable de rejouer instantanément une mélodie, et de capter la trame harmonique d'une pièce a l'instant même ou il l'entend. Duke Ellington, en 1939, lui déclare après l'avoir entendu jouer : « J'aimerais jouer avec vous ». Ce à quoi Django répond simplement: « Moi aussi, mon frère ». Cette même année, il compose l'un de ses plus célèbres morceaux : « Nuages », un standard du jazz.

Il part aux États Unis, en oubliant sa fameuse guitare Selmer acoustique. D'office, il doit jouer sur une électrique. Mais bien souvent, Django se dégotte une guitare acoustique pour l'électrifier par la suite à l'aide d'un micro Stimer. C'est ainsi qu'il joue avec le grand « Duke », mais aussi Bill Coleman, Benny Carter, Michel Warlop, Cole Porter, Eddie South, Fats Waller... Mais ses retards a répétition le pénalise. Il a le temps de jouer avec les plus grands musiciens, d'enregistrer des merveilles, de s'adonner a la peinture dans sa chambre de Broadway, et d'y dépenser ses cachets dans des jeux d'argent... il en revient malgré tout désenchanté, exit le rêve américain. Mais Django continue à jouer, partout, avec pratiquement toute la fine fleur du jazz. Le 8 juin 1944, Naguine donne naissance a Babik, second fils de Django, qui deviendra lui aussi un immense guitariste de jazz et un grand compositeur de ballades.

S'adonnant au billard et à la peinture, Django Reinhardt subit douloureusement l'arrivée du Be Bop dans le jazz, les Dizzy Gillespie et Charlie Parker. Avec l'interdiction de danser dans les bars et les restaurants, les musiciens ont toutes les peines du monde à survivre à ce changement radical. Alors, pour montrer qu'il est encore le meilleur, il se met à jouer comme les boppers, et compose des morceaux de bravoure, par exemple « Impromptu ». Impromptu comme son retour dans le monde du jazz ; Django assimile vite le langage du Be Bop avec une facilité presque narquoise pour y insérer ses notes personnelles, celles qui viennent toucher le coeur de l'auditeur... C'est son dernier sursaut avant que le rideau ne tombe définitivement. Derniers enregistrements chez Barclay, dernier concert au Club Saint Germain... Django Reinhardt s'éteint le 16 mai 1953 à Samois-sur-Seine, emporté par une congestion cérébrale.

L'héritage qu'il laisse est immense, à la fois chez le peuple gitan (sa musique est devenue traditionnelle), et dans le monde du jazz en général. Chacun de ses chorus est une nouvelle histoire. Il y avait le jazz américain, mais avec lui est né le jazz français. Ses fils et des proches des Reinhardt (la famille Ferré par exemple) ont contribué à poursuivre l'aventure du swing et à assurer la transmission de tout cet héritage. Son influence sur les guitaristes contemporains est phénoménale. Devenu un style à part entière (formations à cordes, technique très spéciale de guitare, « codes »...), la musique de Django est encore parmi nous grâce aux « boeufs », dans les campements, et chez les gadjé (les non manouches).

Depuis, les festivals fleurissent un peu partout (Samois sur Seine, Salbris...) et la tradition se transmet naturellement de génération en génération. N'est-ce pas là l'un des plus beaux moments de l'histoire du jazz ? Merci, Monsieur Reinhardt.

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