Manu Dibango

Nom de naissance

Emmanuel NDjoké Dibango

Naissance

12 Décembre 1933, Douala, Wouri, Cameroon

Biographie

Connu dans le monde entier pour le tube « Soul Makossa » (1972), emprunté dix ans plus tard par Michael Jackson sur « Wanna Be Startin' Somethin' », le saxophoniste camerounais Manu Dibango a popularisé le jazz africain tout au long d'une carrière prolifique, jalonnée de succès. Né Emmanuel N'Joké Dibango à Douala le 12 décembre 1933, il grandit en France et pratique plusieurs instruments dans les années 1950, avant de s'immerger dans la scène jazz bruxelloise et de se marier. Après plusieurs engagements scéniques, il intègre l'African Jazz de Grand Kalle et s'installe à Kinshasa où il ouvre deux discothèques. De retour en France, il crée un big band et croise la route du chanteur Nino Ferrer, qui l'engage à l'orgue puis au saxophone. Inspiré du jazz et d'une danse traditionnelle, le douala, le succès d« Soul Makossa », classé n°35 aux États-Unis, apporte la reconnaissance mondiale à Manu Dibango qui en multipliera les variations au fil de ses disques. « Papa Groove », comme on le surnomme, trouve enfin la popularité sur le continent africain et dirige pendant quatre ans l'Orchestre de la Radio-Télévision ivoirienne. Sorti en 1978, l'album Home Made est enregistré avec des musiciens nigérians, puis Gone Clear (rebaptisé Manu à la Jamaïque, 1979), fait appel au tandem de reggae Sly Dunbar et Robbie Shakespeare. Adopté par le public français, le musicien au crâne lisse opère une fusion des genres entre le jazz, les rythmes africains et la soul sur les albums Waka Juju (1982) et Surtension (1984), voire électronique sur Electric Africa (1985). Précurseur de la « world music », alors en pleine explosion, Manu Dibango collabore avec Bill Laswell et Herbie Hancock, ainsi que Hugh Masekela et Ray Lema sur Afrijazzy (1986). Décoré de l'ordre des Arts et des Lettres par Jack Lang (1986), il est célébré dans La Fête à Manu au festival des Francofolies de La Rochelle (1988) et publie son autobiographie Trois kilos de café. En 1989, il reprend divers classiques dans Négropolitaines, dont un second volume suivra trois ans plus tard. Entre temps paraissent l'album studio Polysonik et celui en public Live '91, dans lequel il offre sa version de « La Javanaise » de Serge Gainsbourg, tandis que Wakafrica (1994) explore le répertoire africain en compagnie de musiciens internationaux dont Angélique Kidjo, Youssou N'Dour, Sinéad O'Connor et Peter Gabriel. Il remporte une Victoire de la musique pour le second volume de Négropolitaines et continue de brasser ses racines musicales sur ses derniers enregistrements, Mboa (2000), Africadelic (2003), Manu Dibango Joue Sidney Bechet (2007) ou Past Present Future (2011). Atteint par l'épidémie de coronavirus, la star de l'afro-jazz décède à l'hôpital de Melun le 24 mars 2020, à l'âge de 86 ans.

Emmanuel N’Djoké Manu Dibango voit le jour le 12 décembre 1933, à Douala (Cameroun). Ses parents sont originaires d’ethnies différentes (son père, fonctionnaire, est yabassi, sa mère, douala), ce qui ne convient pas à une société africaine structurée suivant des coutumes ancestrales). Sa famille, de confession protestante, lui fait quotidiennement fréquenter le temple, où sa mère dirige la chorale.

Passe ton Bac d'abord

Après des études primaires, l’apprentissage du français, et l’obtention du certificat d’études, on lui permet de suivre des études françaises, via la Sarthe, puis à Chartres et Reims, où il s’initie à la fois au jazz, à la mandoline, au piano, et au saxophone. C’est dans une colonie réservée aux petits camerounais que Manu croise Francis Bébey (futur et immortel créateur d’ « Agatha » et de « Si Les Gaulois Avaient Su… »).En guise de préparation au baccalauréat, Manu fréquente surtout les différents lieux de concerts de la ville (comme Le Monaco), et son père, ulcéré par son échec à la seconde partie de l’examen, lui coupe les vivres en 1956.

Histoire belge

Le musicien assure alors divers engagements à Bruxelles, où il rencontre celle qui devient son épouse, un mannequin surnommée Coco (avec laquelle il adoptera une petite Georgia, fille d’une cousine).Il se trouve à Charleroi, Ostende et Anvers (toutes lieux d’implantation des bases américaines), au moment de l’accession du désormais ex Congo Belge à l’indépendance (1960), et son inspiration plonge pour le coup au plus profond de ses racines africaines, grâce au contact avec les futures élites zaïroises.


Le twist

Dibango est par la suite engagé par le chef d’orchestre de l’African Jazz, Joseph Kabasélé Tshamala, dit Le Grand Kalle, père de la musique congolaise moderne, et qui accueille au sein de son ensemble rien moins que Tabu Ley Rochereau, ou Dr Nico. Le groupe enregistre des disques à succès (une quarantaine de titres, dans un studio bruxellois), et se produit partout en Afrique. En 1961, Manu et son épouse s’envolent pour Kinshasa et prennent en gérance une boîte, puis deviennent propriétaires d’un second établissement. C’est en 1962 et à Léopoldville que Dibango joue pour la première fois des airs de twist (« Twist à Léo ») devant une audience africaine : le succès est phénoménal.Néanmoins, alors qu’il espérait être en 1963 accueilli à bras ouverts dans son pays, le saxophoniste est meurtri de la réception camerounaise. Sa tentative de créer une nouveau lieu de nuit se solde en effet par une accumulation de dettes, des tracasseries administratives, et de multiples descentes de police.

Out of Africa

De retour en France, Manu crée son Big Band en 1967. C’est alors qu’il rencontre Victor-Hégésippe Gésip Légitimus, producteur de télévision qui vient de créer la série d’émissions Pulsations. A cette occasion, Gésip encourage le musicien à durcir son propos musical, et urbaniser son inspiration.Dibango travaille par la suite pour deux chanteurs croisés sur les plateaux de Pulsations : Dick Rivers, et Nino Ferrer (pour lequel il joue tout d’abord de l’orgue Hammond, puis du saxophone, finissant par diriger son orchestre).
Dès 1969, et après un premier enregistrement très jazz, le camerounais retrouve son public africain, en enregistrant des disques qui lui sont directement dédiés.

Soul Makossa

En 1972, c’est la face b d’un 45 tours qui fait le tour du monde : « Soul Makossa », plus gros tube continental de tous les temps, offre l’Afrique au monde occidental, et leurs origines aux musiciens afro-américains. Issu d’une danse traditionnelle – le douala - le makossa reste la musique emblématique des trottoirs des grandes villes camerounaises. Accolée au terme de soul (qui tricote ce lien magique et mélodique entre rhythm and blues, blues, et jazz), la danse aspire à l’universel : elle y parvient. Pour mémoire, il convient de noter que la face a de ce disque mythique n’est autre que l’hymne de la huitième Coupe d’Afrique des Nations…Dans cette déferlante, Manu occupe donc la scène de l’Appollo de Harlem, puis celle de l’Olympia de Paris, avant de s’envoler pour une tournée en compagnie des cubains de la Fania All Stars.

Monsieur le chef d'orchestre

A partir de 1975 et durant quatre années, le musicien dirige à Abidjan l’Orchestre de la Radio-Télévision Ivoirienne. Le 13 janvier 1976, le père de Manu décède, suivi quelques mois plus tard par sa mère.En 1978, il enregistre un album (Home Made) avec des musiciens nigérians, puis rallie la Jamaïque, pour des sessions (de l’album Gone Clear) aux côtés de la plus célèbre section rythmique du reggae, Sly Dunbar et Robbie Shakespeare.Au mois d’octobre 1979, le saxophoniste installe sa famille à proximité du cimetière parisien du Père-Lachaise. Il tente néanmoins en 1981 une nouvelle aventure commerciale à Douala, pour une nouvelle déconvenue financière.

L’Afrique, le jazz, le rap, le monde

En 1982, son album Waka Juju consacre le retour à l’afro-sound.En 1984, l’album Surtention (et la production de Martin Messonnier) offre une rencontre inédite entre tradition africaine, et hip-hop. En 1985, c’est en invitant Bill Laswell et Herbie Hancock qu’il met la dernière main à Electric Africa. La même année, il participe également à l’action humanitaire Tam Tam pour l’Ethiopie.En 1986, l’album Afrijazzy rassemble entre autres Paul Personne, le trompettiste Hugh Masekela, ou Ray Lema.Le 14 mars 1986, Manu Dibango est décoré de la médaille des Arts et Lettres par le ministre de la culture française, Jack Lang.En 1988, le Festival des Francofolies de La Rochelle (et Maxime Le Forestier, ou Nino Ferrer) organise la Fête à Manu (dont l’album Happy Réunion conserve le témoignage). Le camerounais publie alors son autobiographie (Trois Kilos de Café).

Toujours vert

Puis, les enregistrements se multiplient (les reprises des classiques du répertoire dans Négropolitaines, une musique plus aventureuse avec Polysonic, un Live 91, entre autres en souvenir du Printemps De Bourges).Dibango anime ensuite une émission de télévision (Salut Manu), découvreuse de talents.En 1992, Manu Dibango enregistre WakafriKa, catalogue des plus grands succès de la musique africaine, avec l’aide d’éminents artistes du continent. Se succèdent en effet Angélique Kidjo, Papa Wemba, Youssou N’Dour, Salif Keita, ou King Sunny Adé. Mais souhaitant jeter un pont éternel entre plusieurs cultures, Manu convie également Sinnead O’Connor, Manu Katché, ou Peter Gabriel, à le rejoindre. La même année, il se voit remettre une Victoire de la Musique pour le deuxième volume des Négropolitaines.

En 1996, l’album Lamastabastani est inspiré de la disparition de son épouse et muse Coco, l’année précédente.La compilation African Soul, the Very Best est éditée en 1997, et trois ans plus tard, le disque Mboa’su est empreint de la nostalgie du temps qui passe. Kamer Feeling (2001), B Sides (compilation d’anciens titres réenregistrés – 2002), un retour triomphal à Douala, un spectacle aux côtés de Ray Lema, la musique du film d’animation Kirikou et les bêtes sauvages (2005), et un album en hommage à Sydney Bechet et à une ville meurtrie – La Nouvelle-Orléans - (2007), démontrent que la créativité du septuagénaire reste intacte. Il est aujourd’hui le plus français des musiciens africains. A moins que ce ne soit le contraire.

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