François de Roubaix

Naissance

3 Avril 1939, France

Biographie

Associant un son électronique à une instrumentation traditionnelle, le style de Roubaix est immédiatement identifiable. Le musicien, qui n’aura connu que des hommages posthumes, a ponctué sa courte carrière de titres devenus aujourd’hui cultes, se faisant le créateur d’une œuvre musicale d’avant-garde.

Issu d’un milieu artistique dans lequel son père, Paul, est producteur de films institutionnels pour Les films du Centaure et sa mère, Leontina Indelli, est dessinatrice de bandes dessinées et conceptrice de films d’animation, François de Roubaix se découvre dès son plus jeune âge deux passions : la plongée sous-marine et le cinéma. Adolescent, il s’initie à la plongée avec son père, en Corse où ils ont l’habitude de passer leurs vacances. C’est grâce à lui toujours qu’il effectue quelques travaux en tant que monteur et réalisateur. Sa passion est assouvie mais c’est par le biais de la musique qu’il aimerait exprimer pleinement son talent dans les métiers du cinéma. Car de Roubaix a découvert le jazz, et bien qu’il n’ait fréquenté aucun conservatoire ni même appris le solfège, le plaisir de jouer la musique est le plus fort. C’est ainsi qu’il s’essaye au trombone, au piano ou encore à la guitare avant de se produire avec un orchestre de jazz dixieland. Il composera sa première partition pour le cinéma à l'age de vingt ans.

C’est Robert Enrico, un jeune réalisateur qui a travaillé aux films du Centaure, qui le contacte pour mettre en musique son court-métrage, L’or de la Durance. De leur collaboration naît une amitié fidèle, et, jusqu’à sa disparition, de Roubaix composera la musique de tous les films du cinéaste. C’est toujours grâce à Enrico que François de Roubaix composera pour son premier long-métrage en 1965 : Les grandes gueules, interprété par Lino Ventura et Bourvil. Le succès du film permet à l’auteur du thème pour harmonica de se faire connaître. Il ne lui faudra guère plus d’un film pour obtenir la reconnaissance de ses pairs. Ce sera chose faite avec le succès phénoménal des Aventuriers, signé toujours par son partenaire et ami. La carrière du musicien est lancée.

Vient ensuite la rencontre avec le cinéaste Jean-Pierre Melville qui lui permettra de confirmer tout son talent. Le maître vient de l’engager pour mettre en musique Le Samouraï film quasi-muet dans lequel la musique tient une place toute particulière. Outre un look qui détonne —barbe et cheveux longs— François de Roubaix occupe une place particulière dans le monde de la musique de film. En marge de ses confrères compositeurs, il aborde son art de manière artisanale. Véritable autodidacte, il n’écrit pas de partitions pour les faire jouer mais passe des nuits entières à la recherche de la sonorité parfaite dans le studio d’enregistrement qu’il s’est installé à son domicile rue de Courcelles, où il peut contrôler la fabrication de ses disques. Passionné de musique expérimentale, obsédé par l’idée de bâtir « un pont entre le folklore et la recherche », il n’hésite pas à se servir d’instruments hors norme. Du générateur de fréquences, ancêtre du synthétiseur (qui, entre autre chose, lui permet de restituer la voix de la mer) au tuba de plongée en passant par la vibration provoquée par un tintement de verres de cristal, tout est matière pour de Roubaix à trouver le son nouveau. A ce titre, il est le premier compositeur reconnu à faire de la musique électronique.

Si la discographie de de Roubaix compte bon nombre de travaux institutionnels (génériques SNCF, télévision du Zaïre…), d’indicatifs radio et même de chansons, c’est principalement au cinéma et à la télévision que son talent éclate. Si le musicien travaille avec peu de cinéastes, ils ont en tout cas l’avantage de lui être fidèles : outre huit films d’Enrico, c’est une collaboration sur six films qui se met en place avec José Giovanni. Le Rapace, 1968 ; Dernier domicile connu, 1969 et surtout La Scoumoune qui amorcera en 1972, son premier succès public avec Belmondo en tête d’affiche. Le public connaît enfin le nom de ce musicien fou qui fait tinter les ressorts dans un thème pour orgue de barbarie passé depuis à la postérité ! Puis c’est au travail de Mocky que de Roubaix s’associe pour trois films, L'étalon, 1969 ; La grande lessive, 1968 et Chut !, 1972) ou encore à celui de Yves Boisset (Le saut de l’ange, 1971 et R.A.S. ,1973) sans oublier Jean Herman (Adieu l’ami, 1968 ; Jeff, 1969), ni Julien Duvivier avec son dernier film (Diaboliquement vôtre, 1967).

Homme d’expérimentation, il semblait inévitable que la route de François de Roubaix ne croise celle de la télévision, laissant ainsi son empreinte sur des génériques aussi différents que fameux. Des Chevaliers du ciel (1967) à La bulle de pépin (1969) en passant par Chapi-chapo (1974) ou Le commissaire Moulin (1974), le musicien montre si besoin était, l’étendue de son talent. C’est en 1976 que ces succès se clôtureront par l’obtention d’un César pour le bouleversant film de Robert Enrico Le vieux fusil. C’est Paul de Roubaix qui viendra chercher le prix sur scène car quelques mois auparavant son fils François disparaissait dans un accident de plongée au large des Canaries. C’est la mer, celle-là même qui le fascinait tant, qui l’emmènera à tout jamais.

Aujourd’hui la portée de l’œuvre de Roubaix peut se mesurer ne serait-ce qu’au nombre de reprises et de samples qui fleurissent : d’une boucle de violon du Dernier domicile connu, repris par Robbie Williams, au thème de La mer est grande par Carl Craig sans oublier les noms de Stephen Simmonds, Les Troublemakers ou Lil Bow Wow… une liste pourrait être dressée à l’infini…