Eddie Cochran

Nom de naissance

Ray Edward Cochrane

Naissance

3 Octobre 1938, Albert Lea, Minnesota, United States

Biographie

Victime de ce que l’on peut considérer comme un accident de travail, le chanteur américain Eddie Cochran accrédite la thèse d’un romantisme rock, grand pourvoyeur d’icônes, et de martyrs… Mais sa disparition prématurée en avril 1960 après deux ans de carrière, évite de douloureusement s’interroger : que serait-il devenu, comment aurait évolué sa musique, se serait-il embourgeoisé ? Il serait aujourd’hui septuagénaire, il demeure éternellement beau jeune homme. En effet, le chanteur, guitariste, et compositeur, reste à tout jamais un artiste à visage d’ange, harmonieusement armé de magnifiques et imposantes guitares demi-caisses, égrenant plus vite que son ombre une kyrielle de standards du rock’n’roll, de « C’mon Everybody » à « Somethin’ Else » et de « Twenty Flight Rock » à « Summertime Blues » , désormais inscrits dans l’inconscient collectif. Sa musique, pionnière donc séminale, basique et dégraissée, n’en traverse que mieux le temps, conservant de nos jours toute sa virulence.

Edward Raymond « Eddie » Cochrane, fils de Frank et Alice Cochrane, est né le 3 octobre 1938, à Albert Lea (Minnesota), dans une famille de quatre enfants (une sœur aînée, Gloria, et deux frères également plus âgés, Bill et Robert, dont le premier lui apprend quelques rudiments de guitare). Eddie abandonne très rapidement l’école de musique, où on lui impose l’apprentissage du piano, pour tenter de reproduire les airs de country music, diffusés à la radio, sur une modeste guitare. Après un déménagement en Oklahoma, de graves problèmes de santé affectant le jeune Eddie provoquent le retour de toute la famille à Albert Lea, tribu qui finit par poser ses valises, en 1951, dans un faubourg de Los Angeles.

Les Cochran Brothers

Eddie Cochrane y fait la rencontre de Connie « Guybo » Smith, qui, avec ses mandoline, steel guitar et basse, l’incite à se lancer dans la musique : les deux ne se quitteront plus durant toute la carrière du chanteur. Au mois de janvier 1955, deux Cochran se rencontrent : Hank (aucun lien de parenté avec Eddie), chanteur de country renommé, convainc le jeune homme de l’accompagner à la guitare en tournée. Eddie laisse tomber l’école, et part sur la route près d’un an et demi, pour finir par enregistrer quatre chansons en duo. A la fin de l’année, les Cochran Brothers croise la route de Jerry Capehart, apprenti compositeur, avec lequel ils commencent à travailler, et enregistrer de nouveaux titres. Eddie Cochran en fera son parolier, et manager.

C’est au mois de juillet 1956 que Cochran se décide à voler de ses propres ailes : « Skinny Jim » (en réponse à la « Long Tall Sally » de Litlle Richard) est le premier 45 tours enregistré en nom propre, dans un total insuccès. Cochran survit alors en assurant des séances comme guitariste d’accompagnement. Les choses s’accélèrent un mois plus tard, lors du tournage du film The Girl Can’t Help It (La Blonde et moi, avec Jayne Mansfield), où le chanteur est filmé interprétant « Twenty Flight Rock ».

Le temps d’un album

Désormais sous contrat avec le label majeur Liberty, le jeune homme apparaît dans un nouveau film (Untamed Youth), puis enregistre une reprise de Johnny Dee, composée par John D. Loudermilk : « Sittin’ in the Balcony » est le modeste tube du début de l’année 1957. Au mois de mai, Cochran participe aux séances de son premier album, Singin’ To My Baby, qui sera le seul publié de son vivant. La fin de l’année est consacrée à une gigantesque et triomphale tournée australienne, en compagnie de Little Richard, et Gene Vincent. C’est par ailleurs à l’occasion de ce périple que, sujet d’une illumination, Richard jette ses bijoux dans le port de Sydney, abandonne la musique, et entre en religion.

Au printemps 1958, Eddie assure les chœurs durant une séance de Gene Vincent and the Blue Caps, et participe à la musique du film Hot Rod Gang. Quand vient l’été, le 45 tours « Summertime Blues » dévaste les charts américains : atteignant la huitième position des classements, ce sera le hit le plus important de la carrière du chanteur. Il sera adapté en français par l’équipe de Johnny Hallyday (« La Fille de l’été dernier »), et, en anglais dans le texte, par Blue Cheer et The Who. Dès cet instant, Cochran révolutionne l’approche du travail en studio, en développant la faculté d’enregistrer en overdub, par exemple plusieurs pistes de chant assurées par le même vocaliste (ou, en ce qui concerne « Summertime Blues », plusieurs parties de guitares). Le jeune homme à la Gretsch (modifiée par ses soins, après qu’il eût fait ses gammes sur une Gibson électro-acoustique) est alors le maître du monde. Le bassiste Connie Smith et le batteur Earl Palmer ont participé à l’enregistrement du chef d’œuvre. Le disque suivant (« C’mon Everybody ») bénéficiera d’un parcours plus flatteur en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis. Cochran crée alors un groupe permanent, chargé de l’accompagner en tournée : les Kelly Four.

Au début de l’année 1959, on peut apercevoir Cochran dans le film Go, Johnny Go : sa performance, tout en musicalité et sauvage chorégraphie, est impressionnante. Le trois février de cette année, The Big Bopper, Ritchie Valens et Buddy Holly disparaissent dans un accident d’avion. Quarante-huit heures plus tard, Cochran enregistre un hommage (« Three Stars »), plusieurs fois interrompu par ses sanglots. Peu satisfait du résultat, le label décide de ne pas sortir le disque. Quelques semaines plus tard, et pour la septième fois consécutive, Eddie place un 45 tours dans les charts, « Somethin’ Else », immortalisé encore une fois de ce côté-ci de l’Atlantique par Johnny Hallyday, sous le titre « Elle est terrible ».

Trois pas vers le paradis

Au tout début de l’année 1960, il enregistre « Cut Across Shorty » (« Cours plus vite, Charlie », par…Hallyday), et « Three Steps to Heaven » en compagnie des survivants des Crickets de Buddy Holly. Quelques jours plus tard, débute une tournée britannique en compagnie de Gene Vincent et Billy Fury : cette série de concerts (dont un dernier show à l’hippodrome de Bristol) aura une profonde influence sur le public anglais, et génèrera un flot de vocations. Le 16 avril 1960, sur la route de l’aéroport, le chauffeur de taxi transportant Gene Vincent, Eddie, et sa fiancée et parolière Sharon Sheeley, perd le contrôle de son véhicule sous la pluie, et est victime d’un accident en s’encastrant dans un réverbère : la jeune femme s’en tire avec une fracture du bassin, Vincent verra s’accroître l’infirmité de sa jambe, et souffre d’une clavicule et de côtes cassées, et Eddie, passant à travers le pare-brise, victime de plusieurs traumatismes à la tête, succombe le lendemain à ses blessures. Il avait été hospitalisé à l’hôpital Saint-Martin’s de Bath.

Il était âgé de vingt-deux ans. Eddie Cochran a été inhumé au Forest Lawn Memorial Park de Cypress (Californie). Réalisé de manière posthume, le single « Three Steps to Heaven » atteindra le sommet des charts britanniques. Aux Etats-Unis, il ne sera pas classé dans les cent meilleures ventes. En 1987, Brian Setzer incarne Cochran dans le film La Bamba, évocation du parcours tout aussi météorique de Ritchie Valens. Eddie Cochran est honoré la même année par le Rock and Roll Hall of Fame.

Un rocker de poche (un mètre soixante) qui avec la hargne des pionniers, aura insufflé une invraisemblable énergie à l’âge d’or du rock’n’roll, multipliant, durant la brève période qui lui était allouée, succès épileptiques, et concerts dévastateurs. Près de vingt ans plus tard, son minimalisme sauvage trouvera un évident écho dans le mouvement punk. Après avoir de profonde manière impressionné John Lennon (et, naturellement, Paul Mc Cartney), et été interprété par les Beach boys, les Sex Pistols, ou…Elvis Presley, il reste l’influence déterminante de musiciens comme Brian Setzer (The Stray Cats). Et, encore davantage, car, avec un historique et définitif enregistrement du « Milk Cow Blues » de Sleepy John Estes, Cochran aura jeté un pont entre les cultures, et les peuples.