Jimmy Cliff

Nom de naissance

James Chambers

Naissance

1 Avril 1948, Jamaica

Biographie

Jimmy Cliff est un paradoxe de la musique jamaïcaine. Reconnu dès sa période ska, premier artiste de reggae à signer pour Island, acteur et chanteur dans The Harder They Come, le film coup de poing sur la Jamaïque, auteur de multiples tubes planétaires, star en Amérique Latine et en Afrique. Pourtant Jimmy Cliff est un mal aimé du public reggae à cause de son image « variété », « grand public » et son côté star très assumé, loin de l'imagerie rasta - il ne l'est d'ailleurs pas - habituelle. Il effectue un étonnant retour artistique au premier plan avec Rebirth en 2012.

Le début de son histoire est terriblement banal, le petit James Chambers nait en 1948 dans le district rural de St Catherine ; sa voix est très tôt son principal atout et il ne se prive pas de chanter chaque fois qu'il en a l'occasion.

En ce début des années 60 l'appel de Kingston devient irrésistible pour de nombreux gamins de la campagne. James Chambers franchit le pas dès ses 14 ans et commence à travailler avec le sound system de Count Boysie. Il rencontre bientôt le producteur Leslie Kong pour essayer de placer une de ses chansons, « Dearest Beverley » , Kong préfère le confier au batteur Arkland Parks pour continuer à progresser. Ils finissent par enregistrer un titre de Parks, ce sera « Hurricane Hattie  ».

A son arrivée à Kingston, James Chambers s'est trouvé un nom de star et se nomme désormais Jimmy Cliff. Sa renommée grandit rapidement, car Leslie Kong fait de lui une machine à sortir des 45-tours de ska qui cartonnent et en font un artiste réputé en Jamaïque et jusque dans la nombreuse communauté caribéenne établie en Angleterre.

Dans le Swingin' London aussi de nombreux producteurs ont les oreilles en alerte, recherchant et créant sans cesse de nouvelles tendances. L'un d'eux est originaire d'une famille aisée de Jamaïque et a baptisé son label Island en hommage à l'île de son enfance. Chris Blackwell, qui distribuait déjà ses 45-tours en Grande-Bretagne, convainc Jimmy Cliff, lors d'un festival parisien auquel l'artiste participe, de venir s'établir dans la capitale musicale d'alors, le Londres du rythm'n'blues et du psychédélisme.

En 1968 sort le premier album de cette collaboration avec Hard Road to Travel, le titre « Waterfall » présent sur l'album devient son premier succès mondial et établit sa réputation jusqu'au Brésil.

C'est surtout avec « Wonderful World, Wonderful People » que Cliff devient une star, classant le titre qui donne son nom à l'album en Europe et aux Etats-Unis. Le succès n'est pas que commercial, respirant parfaitement l'air du temps Jimmy Cliff a composé le titre protestataire « Vietnam », très bien accueilli, lui fait un début de stature de chanteur engagé.

Les succès continuent de s'enchaîner, Desmond Dekker lui-même érigeant en classique du ska le titre de « You Can Get It If You Really Want ». Le premier coup dur intervient en 1971 avec la mort subite de Leslie Kong, qui était resté très proche de Jimmy Cliff. Son ami, son mentor ne l'a cependant pas quitté sans lui laisser un magnifique héritage : avant qu'une attaque cardiaque ne l'emporte, il supervisait le projet du réalisateur Perry Henzell, un film narrant les aventures d'un jeune chanteur aux prises avec un producteur véreux et sa clique de rude boys.

Plus dure sera la chute

The Harder They Come va révéler sur le devant de la scène l'univers jamaïcain, les ghettos, les embrouilles, tout ce qui restait caché derrière les commodes parasols du calypso, du ska et du reggae naissant.

La bande originale du film est propulsée par une des plus fortes compositions de Jimmy Cliff, le poignant et inégalé « Many Rivers to Cross », où le vibrato typique de sa voix fait littéralement vibrer l'émotion des paroles. Le chanteur gagne une stature d'acteur et de porte-parole d'une jeunesse en ébullition. Il ne porte pas cet habit - un peu large pour lui - très longtemps, car un autre artiste repéré par Chris Blackwell va bientôt rafler la mise et devenir le véritable porte parole du tiers monde et le symbole du reggae.

Tandis que les Wailers et Bob Marley apportent une musique nouvelle, un look différent, un langage et une philosophie originales, Jimmy Cliff n'est « que » un chanteur talentueux et engagé. Le choix de quitter Island pour rejoindre Reprise, un label plus établi, plus conventionnel et mieux représenté aux Etats-Unis, est significatif du talent d'homme d'affaires qu'à toujours revendiqué avec raison Jimmy Cliff.

La recherche de la reconnaissance et de la popularité n'empêchent pas la quête de la spiritualité, Jimmy Cliff qui n'est pas adepte du rastafarisme cherche à découvrir son identité en parcourant l'Afrique et finit par se convertir à l'Islam. Sa popularité en Afrique atteint des sommets, en particulier au Nigeria où il remplit régulièrement des stades entiers.

Musicalement cette période marque surtout un éloignement des racines jamaïcaines, au profit d'un son international où l'on peut entendre de plus en plus d'influences venues du jazz et des rythmes africains.

Seul le best of live, intitulé Live - In Concert, qu'il sort en 1976, lui permet de démontrer toutes ses qualités de chanteur, d'habiller avec l'émotion unique de sa voix ses compositions-phares de l'époque où il était un jeune chanteur de Kingston cherchant la consécration. Aujourd'hui il pouvait propulser ces titres aux oreilles d'un large public mondial avec l'appui de la guitare d'Ernest Ranglin, maître des accords ska et rocksteady, et recevoir partout l'hommage mérité de son talent en pleine maturité.

Pour Jimmy Cliff, élevé à l'école Leslie Kong, le business passe malheureusement souvent avant la création artistique et, en 1981, il décide de nouveau un changement de label pour rejoindre Columbia.

Reggae avec paillettes

Le début de la période Columbia marque un retour vers un reggae plus dépouillé avec l'album Special, joyeux et coloré, une tournée avec Peter Tosh, une apparition acclamée au Reggae Sunsplash Festival. 1982 sera, hélas ! la dernière année à un niveau artistique respectable avant un grand saut définitif dans les pires travers des carrières guidées par le marketing et l'appât du gain.

En 1983, Jimmy Cliff se lance dans les pas d'un disco/funk moribond par une collaboration avec Kool & the Gang (The Power and the Glory), qui reçoit tout de même un Grammy Award. Cet album fait de Jimmy Cliff une superstar internationale avec les titres « We All Are One » et surtout « Reggae Night », où le chanteur devient une parodie de lui-même, un pâle avateur du compositeur - engagé et inspiré - qu'il avait été.

Depuis, Jimmy Cliff s'est en quelque sorte positionné comme la « gentille » star du reggae, ayant un langage politiquement correct et ne retenant que le côté positif et ensoleillé d'une musique capable de véhiculer bien d'autres émotions. Il conforte son commode succès avec des participations gagnantes à de multiples bandes originales de film et les singles deviennent de nouveaux tubes : « I Can See Clearly Now » en 1993 et surtout « Hakuna Matata », issu du Roi Lion en 1995.

Black Magic, paru en 2004, est le symbole de sa reconnaissance internationale parsemé de nombreux duos avec des personnalités aussi éclectiques que Sting, Joe Strummer, Wyclef Jean et même Yannick Noah.

On n'est jamais à l'abri d'une surprise avec les grands artistes. Jimmy Cliff le prouve en initiant en 2012 une collaboration avec Tim Armstrong de Rancid. Ce dernier produit d'abord le EP The Sacred Fire qui culmine en haut des charts reggae en novembre 2011. Constitué d'originaux et de reprises bien choisies - en premier lieu « Guns of Brixton » de The Clash et « Ruby Soho » de Rancid en version ska - Rebirth signe le retour inattendu de Jimmy Cliff au plus haut niveau artistique. Les public anglais et américains ne s'y trompent pas qui plébiscitent Rebirth à sa sortie en juillet 2012.