Bud Powell

Nom de naissance

Earl Rudolph Powell

Naissance

27 Septembre 1924, Harlem, New York, United States

Biographie

Considéré comme le roi du be-bop et l'un des plus grands pianistes de jazz, Bud Powell (1924-1966) a laissé une empreinte considérable de par une technique singulière comparée à celle de Charlie Parker pour le saxophone. Le pianiste natif de Harlem (New York), encouragé par Thelonious Monk, fait ses débuts dans l'orchestre de Cootie Williams avant d'enregistrer sous son nom une flopée de standards (« Hallucinations », « Tempus Fugit », « Un Poco Loco ») pour les labels Roost, Blue Note et Verve. Victime de violences policières dont il ne se remettra pas, Bud Powell s'exile de 1959 à 1964 à Paris où il termine sa carrière avant un dernier retour pour New York. Son importance dans le passage de l'ère swing au be-bop fut primordiale et son style a influencé autant Miles Davis que Bill Evans.

Earl Rudolph « Bud » Powell tient l'enseignement du piano de son père musicien professionnel qui l'initie à l'instrument dès l'âge de cinq ans. Natif du quartier de Harlem à New York où il vient au monde le 27 septembre 1924, Powell junior s'amuse à jouer du piano stride sur le « California Shout » de Pete C. Johnson, imite Fats Waller dans les soirées alentour et à quinze ans, se fait une petite réputation locale auprès de son frère aîné William, trompettiste de son état. Il a pour voisin un autre précoce du piano nommé Elmo Hope.

De l'orchestre à l'hôpital

L'adolescent à la virtuosité calquée sur celle d'Art Tatum anime les soirées chaudes du club Uptown House par lequel est passé Charlie Parker et un nouvel ami, Thelonious Monk, dont il fait la connaissance en 1942. Impressionné par les talents du jeune Powell, Monk le recommande aux habitués du Minton's Playhouse ; il lui dédiera quelques années après une pièce intitulée « In Walked Bud » (1947). Pour l'heure, Bud Powell qui a refusé les propositions d'Oscar Pettiford et de Dizzy Gillespie est engagé dans l'orchestre de Cootie Williams ; il participe aux enregistrements comme le « Round Midnight » de Monk et aux tournées jusqu'en janvier 1945, quand un incident survenu lors d'une soirée trop arrosée va se révéler lour de conséquences. Pris à partie par des policiers à Philadelphie, il est violemment battu et détenu quelques temps en cellule ; hospitalisé dès son retour à Harlem, il séjourne à l'hôpital Bellevue puis dans un asile psychiatrique éloigné où pendant deux mois et demi il est soigné pour des troubles nerveux dont il ne se remettra jamais.

Fréquemment atteint de céphalées et de spasmes, Bud Powell doit faire face à ces crises imprévues qui contrarieront sa carrière. En dépit de cela, il se produit dans des petits clubs de Manhattan et participe à des séances pour Dexter Gordon, J. J. Johnson, Sonny Stitt, Fats Navarro ou Kenny Clarke. En 1947, il réalise pour le label Roost les premières faces sous son nom avec Curly Russell Max Roach. Son style vif et saccadé drainent les comparaisons avec le saxophone de Charlie Parker. Séparément ou ensemble, « Bud » et « Bird » écrivent les premières pages du be bop. Une fameuse séance de mai 1947 les réunit avec Max Roach Tommy Potter et Miles Davis sur « Donna Lee ».

Blue Note

À la suite d'une altercation dans un bar de Harlem, le pianiste passe le reste d'un hôpital à un autre pour une durée de onze mois jusqu'en octobre 1948. Interné au Creedmoore State Hospital à Manhattan, il est soigné aux électrochocs pendant que sa fiancée attend leur enfant. La santé de Bud Powell, déjà fragilisée, ne s'améliore guère avec la consommation d'alcool qu'il s'administre régulièrement alors que sa carrière prend enfin son envol. Début 1949, il alterne les séances avec Ray Brown, Max Roach et Buddy Rich puis enregistre pour Blue Note les premières séquences de la trilogie The Amazing Bud Powell (1951), suivi d'un deuxième volet en 1953 et d'un troisième en 1957. Sur le premier, Bud Powell fait équipe avec Fats Navarro, Sonny Rollins, Tommy Potter et Roy Haynes. Le thème « Bouncing With Bud » annonce la meilleure période du pianiste tandis que les volumes suivants en trio incluent son standard absolu « Un Poco Loco » (recensé comme l'un des plus grands morceaux be bop), « Parisian Toroughfare » et « Dance of the Infidels » ; sous la direction d'Alfred Lion, Powell emploie plusieurs sections rythmiques successives dont font partie Percy Heath, George Duvivier, Art Taylor, Art Blakey et Kenny Clarke.

Entre deux hospitalisations, Bud Powell investit les studios Blue Note pour une série d'enregistrements consolidant sa réputation. Sa rivalité avec Charlie Parker pour chausser la couronne du be bop est montée en épingle. En 1951, Bud Powell Moods érige de nouvelles compositions modernes comme « Hallucinations ». Son auteur, arrêté début 1953 pour possession de marijuana, trouve en la personne du patron du Birdland, Oscar Goodstein, la protection nécessaire à sa relâche. De son expérience de sevrage au Largactil découle le morceau « Glass Enclosure ». À la fin de la décennie, après la mort de son frère Richie tué avec Clifford Brown dans un accident de voiture, Bud Powell n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut malgré quelques sursauts d'inspiration sur les albums  Bud Powell '57 et Piano Interpretations pour le label Norgran de Norman Granz, The Lonely One et Blues In The Closet pour Verve (« Elegy ») et Strictly Powell (« Blues for Bessie ») pour RCA (en 1995, celui-ci publie les séances inédites de Swingin' With Bud).

Bud Powell à Paris

À bout de fatigue, le pianiste s'envole en 1959 pour Paris avec sa compagne Altevia Edwards, qui doublera ses doses de médicaments. Après un passage par le Festival d'Essen immortalisé sur disque avec Coleman Hawkins, Bud Powell y retrouve Kenny Clarke qui lui présente le contrebassiste Pierre Michelot avec lesquels il enregistre l'hommage A Tribute to Cannonball (1951), produit en personne par le saxophoniste puis le surlendemain, A Portrait of Thelonious. Le résultat de ces deux séances ne paraîtra que quelques années plus tard. Capté en février 1963, Bud Powell in Paris est produit par Duke Ellington et convoque Gilbert Rovère et Kansas Fields. La même année, le trio baptisé « The Three Bosses » rejoint Dexter Gordon sur Our Man in Paris. Bud Powell, qui a contracté la tuberculose, retourne avec son ami Francis Paudras à New York pour une série de concerts au Birdland.

En juillet 1964, il fait un bref séjour parisien pour une séance avec Oscar Pettiford et Kenny Clarke puis passe l'année 1965 entre son domicile et l'hôpital. Seulement deux concerts dont une prestation désastreuse au Carnegie Hall sont au programme de cette année noire qui voit son état se détériorer de jour en jour. Affaibli, méconnaissable, Bud Powell achève son parcours le 31 juillet 1966 quand il meurt d'une tuberculose aggravée par la malnutrition et l'alcoolisme. Il laisse un style unique et un héritage immense qui sera reconnu par ses pairs dont le pianiste Bill Evans. Outre les collaborations précitées, Bud Powell a participé à un album en trio avec Sonny Stitt et J. J. Johnson (1950), enregistré une Paris Jam Session (1959) avec Art Blakey et Barney Wilen et un titre de l'album live Mingus at Antibes (« I'll Remember April », 1960).

Héritage musical

En 1986, Francis Paudras lui consacre l'ouvrage La Danse des infidèles Sa vie a inspiré au réalisateur Bertrand Tavernier le film Round Midnight (1986) avec Dexter Gordon dans le rôle, principal, du pianiste. De nombreuses séances ont vu le jour à titre posthume dont une majorité d'enregistrements personnels et de concerts. Le coffret Tempus Fugue-It (Proper) retrace ses premiers enregistrements tandis que le quintuple album The Complete Bud Powell on Verve (1994) couvre la période suivante ; la même année, The Complete Blue Note and Roost Recordings révèle les séances de The Amazing Bud Powell. En 2009 paraît The Complete RCA Trio Sessions des années 1956-1957.