Bobby Hutcherson

Biographie

Grand nom du vibraphone, Bobby Hutcherson (1941-2016) a élargit la palette de l'instrument à travers une multiplicité de styles et développé une technique particulière, jouant parfois avec quatre mailloches. Baigné dans le jazz dès l'enfance, il se fait rapidement un nom au sein d'orchestres avant de s'établir à New York, où il enchaîne les séances pour le label Blue Note. Du rôle d'accompagnateur pour Jackie McLean, Herbie Hancock, Hank Mobley, Archie Shepp ou Eric Dolphy, il passe à celui de leader sur le même label pendant près de deux décennies. Il en résulte des albums où se côtoient le hard bop (Components, 1965), le jazz fusion (Natural Illusions, 1972) et le post-bop, entre des incursions vers le free jazz ou le jazz latin. Certaines de ses compositions comme « For Duke P. » ou « Little B's Poem » sont très prisées. De retour à Los Angeles, il forme un quintette avec le saxophoniste Harold Land (de Total Eclipse, 1968 à San Francisco, 1970) et poursuit les séances en virtuose très demandé du vibraphone ou du marimba. Toujours actif lors des décennies suivantes, il collabore avec McCoy Tyner et le Timeless All Stars, puis le SF Jazz Collective dans les années 2000. Les albums For Sentimental Reasons (2007), Wise One (hommage à John Coltrane, 2009) et Enjoy the View (2014) figurent parmi ses derniers enregistrements. Atteint d'un emphysème depuis 2007, il décède le 15 août 2016 à l'âge de 75 ans.

Fils d'un maçon et d'une coiffeuse, Robert « Bobby » Hutcherson naît le 27 janvier 1941 à Los Angeles. Il commence par étudier le piano avec sa tante et se laisse guider dans le jazz par son frère Teddy, qui a pour ami Dexter Gordon, tandis que sa soeur Peggy chante dans l'orchestre de Gerald Wilson et a pour petit ami Eric Dolphy.

Sous l'influence de Milt Jackson, le jeune Bobby Hutcherson se perfectionne à la pratique du vibraphone auprès de Dave Pike et, après un passage dans l'orchestre de son ami le bassiste Herbie Lewis, quitte les études pour se produire dans les clubs derrière Curtis Amy, Carmell Jones, Eric Dolphy et Charles Lloyd. Ses premières séances d'enregistrement pour Les McCann et le duo Curtis Amy-Frank Butler, en 1960, précèdent une tournée avec l'orchestre co-dirigé par Al Grey et Billy Mitchell. Un concert au Birdland de New York incite Hutcherson et Lewis à s'installer sur la côte Est, où il forment The Jazztet.

Remarqué par Jackie McLean qui l'invite à jouer sur One Step Beyond (1963), Hutcherson multiplie les collaborations, notamment avec les stars du label Blue Note. Il accompagne ainsi Grant Green, Herbie Hancock, Hank Mobley, Archie Shepp, Andrew Hill, Joe Henderson, John Patton, Duke Pearson et Lee Morgan, ainsi qu'Eric Dolphy sur Out of Lunch. Le vibraphoniste le plus demandé remporte en 1964 le référendum annuel de Down Beat et effectue sa première sortie en leader l'année suivante avec l'album Dialogue, auquel participent Freddie Hubbard, Sam Rivers, Andrew Hill et Joe Chambers, qui devient un partenaire régulier.

Sa notoriété établie au vibraphone ou au marimba, Bobby Hutcherson élargit l'approche de l'instrument, jouant rapidement et parfois avec quatre mailloches, de même qu'il diversifiera ses styles en abordant avec autant d'aisance le hard bop, le free jazz, le jazz latin, le jazz fusion ou le post-bop. L'album Components (1965), qui comprend le morceau emblématique « Little B's Poem », dévoile deux de ses différentes facettes. Une séance conduite pour Blue Note en 1963, officialisée seulement en 1999 sous le titre The Kicker, montre ses talents de compositeur avec le titre « For Duke P. ». Les enregistrements se succèdent : deux avec Herbie Hancock (Happenings et Oblique, 1966-1967), puis Stick-Up! et Patterns (qui ne sortira qu'en 1980), avant un retour en Californie où il monte un quintette avec le saxophoniste ténor Harold Land. Cinq albums témoignent de cette fructueuse association : Total Eclipse, Spiral, Medina, Now! et San Francisco.

En 1971, Bobby Hutcherson suit le courant du jazz fusion dans Head On. Hank Jones, Ron Carter et Jack DeJohnette l'accompagnent sur l'album suivant Natural Illusions. Dans un style plus classique, il joue à Montreux avec Woody Shaw comme sur l'album Cirrus (1974), puis renoue brièvement avec Harold Land. Toujours sur Blue Note, il livre jusqu'à Knucklebean (1977), une suite d'enregistrements visant un public large (Linger Lane, Inner Glow, Montara...). Cette série se poursuit chez Columbia et divers autres labels dont Landmark Records dans les années 1980, sans cesser les séances extérieures pour McCoy Tyner ou au sein du Timeless All Stars.

Au début des années 2000, le vibraphoniste intègre le SF Jazz Collective. Il reprend le chemin des studios pour For Sentimental Reasons (2007), puis l'hommage à John Coltrane Wise One (2009), suivi par l'album en public Somewhere in the Night (2012). Après cette trilogie pour le label Kind of Blue, Bobby Hutcherson retourne chez Blue Note pour un dernière séance, immortalisée dans Enjoy the View (2014). Atteint d'un emphysème depuis 2007, il décède le 15 août 2016 à l'âge de 75 ans, dans son dernier domicile de Montara, en Californie.