Bing Crosby

Nom de naissance

Harry Lillis Crosby

Naissance

3 Mai 1903, Tacoma, Washington, United States

Biographie

L’homme pour qui a été inventé le terme « crooner » incarne une certaine idée de la décontraction élégante en musique. Entertainer absolu pour deux générations d’Américains, symbole de la chanson à papa, il n’en était pas moins un grand innovateur dans le domaine du divertissement musical. S’il n’est pas forcément toujours cité en référence par les historiens européens de la musique, Bing Crosby fut aux Etats-Unis, pendant plus de vingt ans, un véritable titan du show-biz : chanteur, comédien, homme de télévision, l’homme était incontournable, inventeur selon certains d’une catégorie d’artistes à la fois séduisants, élégants et simples, prototypes d’une personnalité artistique à la fois distinguée et typiquement américaine.

Harry Lillis Crosby naît le 3 mai 1903, à Tacoma, dans l’état de Washington (Etats-Unis), dans une famille de la classe moyenne, aux vieilles racines anglaises. A l’âge de sept ans, il hérite du surnom « Bingo », d’après un personnage de bande dessinée : vite écourté en « Bing », le sobriquet le suit toute sa vie. Durant son adolescence, il tient un boulot d’été dans un auditorium et a l’occasion d’assister gratuitement à tous les spectacles, restant particulièrement frappé par Al Jolson.

En 1920, il commence des études de droit, mais s’en détourne bientôt, la passion musicale étant la plus forte. Bing Crosby pratique la batterie avec assiduité, rejoignant un groupe de jeunes musiciens dont le leader est le jeune chanteur Al Rinker : constatant l’argent amassé en quelques bœufs, Bing Crosby décide de faire le grand saut et d’abandonner les études de droit pour se consacrer à la musique. Avec Al Rinker, il forme en 1925 le duo de chanteurs de jazz The Rhythm Boys. Après quelques concerts, les jeunes compères ont la chance d’être remarqués par le chef d’orchestre Paul Whiteman, qui les engage pour jouer avec sa troupe.

Ils enregistrent un premier disque « I’ve Got the Girl », dont les conditions d’enregistrement déforment leurs voix de manière peu flatteuse. Le duo est bientôt transformé en trio avec l’arrivée du chanteur et pianiste Harry Barris. Bing Crosby assure quant à lui le chant et la batterie. Les Rhythm Boys commencent à accéder à une véritable notoriété, multipliant les enregistrements non seulement avec l’orchestre de Paul Whiteman, mais également avec Bix Beiderbecke, Jack Teagarden ou les Dorsey Brothers.

Bing Crosby est de plus en plus mis en avant, enregistrant en 1928 son premier disque en solo, reprenant la chanson « Ol' Man River ». Le chanteur a néanmoins quelques problèmes de bouteille et son arrestation pour conduite en état d’ivresse entraîne la fin de la collaboration du trio avec l’orchestre de Paul Whiteman. Qu’à cela ne tienne ! Les jeunes musiciens passent aussitôt chez son concurrent Gus Arnheim.

En 1930, les Rhythm Boys enregistrent un disque, « Three Little Words », avec l’orchestre de Duke Ellington, alors qu’il est encore peu fréquent pour des musiciens blancs de se produire avec des Noirs : une audace que le trio relativise en étant grimés en Noirs lors des prestations publiques avec Duke Ellington. Passés sous contrat chez Brunswick Records, les Rhythm Boys sont de plus en plus marginalisés au profit de Bing Crosby, qui s’affirme comme le chanteur vedette. Le trio n’y résiste pas et Bing Crosby, abandonnant ses compères (sans grand ménagement, selon certains), vole bientôt de ses propres ailes.

Multimédia avant l’heure

A partir de 1931, Bing Crosby est partout ; sa belle voix claire et nette de baryton s’affirmant comme l’une des plus populaires auprès du public américain. Sous contrat chez le label Decca, l’homme a notamment compris l’importance des médias et se produit en direct à la radio avec une régularité hebdomadaire. En 1932, sa prestation au Paramount Theater de New York attire les foules.

La même année, il tient son premier grand rôle au cinéma dans le film The Big Broadcast, où il interprète « Please », « Here Lies Love », et ce qui devient l’un de ses plus grands succès, « Where the Blue of the Night Meets the Gold of the Day ». Histoire gentillette (et de pure fiction, bien que Bing Crosby y interprète un jeune chanteur débutant du nom de… Bing Crosby), mélodies agréables, humour tout public : Crosby a trouvé la recette de son succès, combinant une présence intensive à la radio, au cinéma et sur scène, devenant littéralement omniprésent pour le public américain.

Si Bing Crosby, en tant que chanteur solo, s’éloigne en partie de ses racines jazz, il continue d’y puiser régulièrement son inspiration, reconnaissant volontiers comme des maîtres en matière de rythme un artiste comme Louis Armstrong. Il s’essaie au scat, montrant une aisance particulière pour l’improvisation. Mais c’est surtout grâce aux nouvelles techniques d’enregistrement et de diffusion que Bing Crosby impose sa griffe : sans forcer sa voix, il chante avec décontraction, sur un ton parfois badin.

Son style de chant élégant et séduisant, découlant des rythmes du jazz mais au répertoire très étendu allant de la country aux ballades romantiques, donne naissance au terme « crooner ». En décembre 1935, Bing Crosby, remplaçant son ancien patron Paul Whiteman, devient animateur de l’émission de radio Kraft Music Hall (alias The Kraft Show : l’émission était sponsorisée par la firme alimentaire Kraft Foods), diffusée en direct chaque semaine.

De chanteur populaire, Bing Crosby passe au statut de Monsieur Loyal de la musique américaine, maître incontesté du divertissement populaire et de la variété : présentateur de l’émission jusqu’en 1946, il se produit à l’antenne avec des artistes comme Marilyn Maxwell, Lucille Ball, Nat King Cole, Efrem Zimbalist, Louis Prima, Peggy Lee ou les Andrews Sisters, devenant une présence familière pour la majorité des foyers américains. Passionné de golf, il profite de sa popularité pour fonder en 1937 un tournoi portant son nom, le Crosby Golf Tournament.

En 1942, il remporte un grand succès avec la chanson « White Christmas », interprétée à la radio, puis dans le film L’Amour chante et danse (Holiday Inn), dont il partage la vedette avec Fred Astaire : le morceau devient l’un de ses standards et un classique des Noëls américains. Toujours au cinéma, Bing Crosby entretient sa popularité en tournant régulièrement, surtout dans des comédies grand public, où il partage souvent la vedette avec Bob Hope (En route pour Singapour, En route pour Zanzibar, En route pour le Maroc…) : si ses films ne révolutionnent pas le cinéma, ils font des étincelles au box-office américain en le dominant cinq ans de suite, de 1944 à 1948, et permettent à Bing Crosby de pousser invariablement la chansonnette, tout en se montrant un comédien talentueux.

En terme de vente de tickets de cinéma, Bing Crosby est l’un des comédiens américains les plus populaires de tous les temps, derrière Clark Gable et John Wayne : en 1944, il empoche un Oscar pour le film La Route semée d’étoiles (Going My Way), de Leo McCarey. Durant la Seconde Guerre mondiale, Bing Crosby, comme de nombreux artistes, se déplace pour aller chanter en Europe devant les troupes américaines.

Chanteur, gentleman et businessman

Après le conflit, Bing Crosby apporte des nouveautés à sa carrière radiophonique : après avoir cessé sa collaboration au Kraft Music Hall en 1946, il anime l’année suivante une nouvelle émission, Philco Radio Time. Profitant des technologies récupérées en Allemagne par l’armée américaine, il est le premier à pré-enregistrer ses émissions de radio, renonçant à la vivacité du direct, mais développant à l’infini la qualité du son et le timing des spectacles, aboutissant à un nouveau son radiophonique. Le gratin de la musique américaine défile dans l’émission de radio de Bing Crosby ; dans les années suivantes, ce dernier prend en marche le train de la télévision, animant régulièrement des émissions de variétés.

Ses émissions étant produites par sa propre société, Bing Crosby en conserve les droits : outre les cachets substantiels qu’il retire du réseau ABC pour leur diffusion, il retire des revenus supplémentaires de la demande des petites stations de radio régionales, toutes désireuses de proposer à leurs auditeurs le show de Bing Crosby. Homme d’affaires avisé, il investit considérablement dans le développement de l’enregistrement sur bandes magnétiques, retirant une fortune assez considérable du marché de la cassette audio.

Gentleman-farmer, Bing Crosby passe l’essentiel de son temps libre à jouer au golf et à s’adonner à sa passion pour l’élevage de chevaux pur-sangs, bien que son écurie échoue régulièrement à remporter des prix, s’attirant des quolibets affectueux. Il continue par ailleurs à jouer avec régularité au cinéma, remportant de beaux succès avec Un Yankee à la cour du Roi Arthur (A Connecticut Yankee in King Arthur's Court, 1949) ou Haute Société (High Society, 1956, dans lequel il partage la vedette avec Frank Sinatra, Grace Kelly et la troupe de Louis Armstrong). A partir de la fin des années 1950, néanmoins, l’étoile de Bing Crosby connaît un déclin relatif, ses ventes de disques étant éclipsées par les nouvelles modes du rock et de la pop.

En 1960, il joue dans le film Le Démon de midi (High Time), réalisé par Blake Edwards, dont il partage la vedette avec l’idole des jeunes Fabian : le film symbolise autant le choc des générations que le décalage de Bing Crosby lui-même avec les nouveaux aspects de la culture américaine. Toujours populaire, il n’a cependant pas su renouveler son public ni séduire le jeune public : ses films attirent moins de spectateurs et une sitcom au budget maigrelet, The Bing Crosby Show, ne dure qu’une saison en 1964.

Avec plus de 1700 chansons enregistrées et environ 500 millions de disques vendus au cours de sa carrière, Bing Crosby peut cependant voir la vie en rose et glisser très confortablement vers une semi-retraite. Mais, à partir de la fin des années 1960, sa santé commence à le rattraper : s’il a surmonté ses habitudes de buveur, Bing Crosby est resté un gros fumeur et doit être opéré d’un cancer du poumon en 1974. Une fois remis, il décide de reprendre du service pour une série de concerts et de prestations exceptionnelles, sur scène et à la télévision, enregistrant notamment un album avec Fred Astaire.

En mars 1977, il donne un concert pour CBS à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa carrière, mais fait une chute dans la fosse d’orchestre, s’abîmant une vertèbre. Sorti de l’hôpital, il donne plusieurs concerts en Grande-Bretagne, enregistre un nouvel album, Seasons, et se produit avec David Bowie pour un mémorable duo, leur prestation télévisée (un medley des chansons « Peace on Earth » et « Little Drummer Boy ») donnant lieu à un single. Mais ce sont là les derniers feux de la carrière de Bing Crosby : le 14 octobre 1977, à Madrid, il est frappé d’un infarctus durant une partie de golf et meurt sur place.

Légende du show-biz américain, Bing Crosby était un exemple d’artiste sachant gérer ses intérêts avec une rare intelligence, son patrimoine ayant été estimé, à sa mort, à 150 millions de dollars. Son héritage ne se limite pas à la musique, le Crosby Golf Tournament continuant de générer des millions de dollars, destinés essentiellement à des œuvres de charité. Après son décès, le symbole de l’entertainer sain et tout-public a néanmoins été écorné par la publication d’ouvrages à scandales (dont un rédigé par l’un de ses fils, Gary Crosby, lui-même chanteur et comédien), plus ou moins crédibles (le livre de Gary Crosby a notamment été vertement contesté par son frère) et tendant à décrire l’homme comme un individu peu glorieux dans la sphère privée.

Qu’elles soient ou non fondées, ces rumeurs ne doivent pas faire oublier l’homme public et l’artiste, incarnation d’une musique douce et élégante, et immense professionnel de la chanson : avant même Frank Sinatra, Bing Crosby était « la Voix » – demeurant en 2008 la voix la plus enregistrée de l’histoire de l’humanité – et sa présence suave et délicate a posé des standards pour un demi-siècle de musique américaine.

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