Lou Reed

Nom de naissance

Louis Alan Reed

Naissance

2 Mars 1942, United States

Biographie

Inventeur du rock adulte des années 1970 avec The Velvet Underground, Lou Reed reste l'auteur d'une carrière en solo unique. Sorti de l'ombre avec l'album Transformer et le hit « Walk on the Wild Side » en 1972, le rocker new-yorkais s'attache au fil des albums à dessiner les contours d'un rock urbain. Après le majeur et déprimant Berlin (1973), le porte-parole des marginaux poursuit une carrière cahotique, alternant le meilleur ( Rock'N'Roll Animal ) et l'expérimental ( Metal Machine Music ). En 1989 sort l'ode définitive à sa ville ( New York ) et l'année suivante avec son ex-partenaire John Cale, l'ultime hommage à son mentor Andy Warhol ( Songs for Drella ). Par la suite, le mari de Laurie Anderson flirte avec les expérimentations au hasard de The Raven ou du projet Lulu , avec le groupe Metallica (2011). Sa disparition quelques mois après une greffe du foie le 27 octobre 2013 cause un grand émoi et laisse un vide immense.

Génial, paranoïaque, sulfureux, décadent, militant des bonnes causes, junkie, promoteur d'un rock « adulte », Lou Reed est un tissu de contradictions. Ce fils d'avocats passe une adolescence turbulente à Long Island. Après des études centrées sur la poésie, la littérature et le journalisme, il travaille comme compositeur maison pour Pickwick Records. Lassé des paroles fadasses et des chansons alimentaires, il fonde The Primitives, puis les Warlocks.

Sa rencontre avec des musiciens désenchantés, eux aussi avides d'expression « crue », débouche sur le Velvet Undergound (nom tiré d'un roman sado-maso). Malgré leur complicité avec l'artiste avant-gardiste Andy Warhol, ils ont peu de succès. Pourtant, la légende est déjà en route. Leurs textes, qui flirtent avec les fruits défendus (drogue, mort, sexe, violence), célébrant la beauté dans l'horreur, leur interdisent tout accès aux médias. Las, Lou Reed quitte le V.U. au milieu de Loaded , le quatrième album.Après deux années dans l'ombre, il signe avec RCA et s'installe à Londres. En 1972, coup sur coup, il sort Lou Reed (avec Steve Howe et Rick Wakeman de Yes) et Transformer , produit par Mick Ronson et David Bowie, qui joue du sax sur « Walk on the Wild Side » , le seul hit majeur de Reed. Ses descriptions d'un univers interlope (la nuit, les travestis) et son statut d'homo camé en font le porte-parole des marginaux et le parrain du punk. Ses concerts, à l'opposé de ceux du Velvet Underground, sont marqués par une option théâtrale et chorégraphique digne de Bowie.

En 1973, il sort le cafardeux Berlin , produit par Bob Ezrin. Directement inspirée par la ville allemande, divisée physiquement et psychologiquement, cette oeuvre, qui suinte le fiel, le suicide et les immondices, est considérée comme le « Sgt. Pepper's noir et déprimant des années 1970 » et son meilleur album. Grâce à ce condensé de réalité passée au vitriol, Reed est reconnu comme un compositeur unique, dérangeant et macabre. On l'installe dans la tradition du « nouveau rock » (Bowie, Garry Glitter, Roxy Music), un style inventé par le Velvet. Son timbre glacial mais prenant et ses thèmes fétiches vont influencer des générations entières - comme Sonic Youth, REM, U2, la cold wave - et l'amener à composer aussi bien pour Kiss que pour Nils Lofgren.

De 1974 à 1982, il enchaîne les albums, alternant le meilleur ( Rock'n'Roll Animal , 1974), mais surtout le moins bon. Il profite aussi de cette période pour amorcer le changement de son image et se présenter comme un artiste devenu adulte, un intellectuel affranchi désormais des mythes et des images morbides de sa jeunesse.En 1982, de retour chez RCA, il sort The Blue Mask , un hommage à son mentor le poète Delmore Schwarz, mais aussi son meilleur album depuis Berlin. Cynique mais mature, il tire les conclusions de ses expériences extrêmes. La suite, Legendary Hearts (1983), est superbe, suivie du serein New Sensations (1984) et du très électronique Mistrial (1986). Ce nouvel élan créatif est en partie attribué à son mariage (1980) et à son adéquation parfaite avec son nouveau groupe (le bassiste Fernando Saunders, ex-Jean-Luc Ponty, le batteur Fred Maher et, surtout, le guitariste Robert Quine, ex-Richard Hell).

En parallèle, il s'investit dans plusieurs causes collectives (Farm Aid en 1985, tournée Amnesty International en 1986, lutte anti-apartheid... ) et s'affiche avec le président tchèque Vaclav Havel, défenseur émérite de la démocratie à l'Est et grand amateur de rock.

En 1989, avec New York , il atteint un nouveau sommet artistique et commercial. Il y décrit une société tiraillée par les tensions urbaines ( « Dirty Boulevard » ) et en pleine décomposition. Cette même année, il participe à un album solo de Maureen Tucker, batteuse du Velvet Underground. Puis, dans le sillage, il s'associe à John Cale pour Songs For Drella (1990), un requiem poignant pour Andy Warhol décédé en 1987 et composé de ballades minimalistes giflées de guitares tendues. Ces collaborations débouchent sur une reformation ponctuelle du Velvet Underground à Paris en juin 1990 puis sur une tournée européenne dans des salles combles en 1993. Toujours à cause des batailles d'ego entre Reed et Cale, ils se séparent juste avant la tournée américaine.

En 1992, Magic & Loss , inspiré par le cancer de deux de ses amis, constitue une sombre méditation sur l'âge et sur la peur de vieillir. Les hommages pleuvent. Ce poète (dont les éditions 10/18 publient en France Parole de la nuit sauvage , anthologie de ses poèmes et chansons, de 1965 à 1990), est fait Chevalier des Arts et des Lettres par Jack Lang en 1992. Pourtant, les vieilles obsessions reviennent parfois. Son divorce en 1994, les règlements de comptes avec Moe Tucker et John Cale débutent une série noire qui se termine avec le décès de Sterling Morrison (du Velvet Underground). Lou Reed est l'un des personnages rock les plus intrigants de toutes ces années, caméléon génial ou grincheux patenté selon les jours.

Cela n'empêche pas Lou Reed de prouver que le rock peut être intéressant au-delà de la quarantaine. L'exceptionnel Set The Twilight Reeling (1996) est suivi d'albums aussi divers que Ecstasy (2000) ou The Raven (2003), inspiré par Edgar Allan Poe. Marié à Laurie Anderson depuis 2008, Lou Reed continue de surprendre. En 2011, il s'associe au groupe Metallica et adapte la pièce de Frank Wedekind qui a servi de trame à l'opéra Lulu d'Alban Berg. Opéré d'une greffe du foie en mai 2013, il succombe le 27 octobre à l'âge de 71 ans. La disparition de cette personnalité éminente qui a changé l'histoire du rock cause un vif émoi à travers le monde et laisse un grand vide dans un univers musical marqué par son empreinte.