Bryan Ferry

Naissance

26 Septembre 1945, England

Biographie

Dandy, séducteur, élégant sont les épithètes fréquemment utilisées pour qualifier Bryan Ferry. Il faut ajouter novateur et éclectique pour prendre la mesure de ce géant à la carrière singulière. À l'origine d'un des groupes les plus inventifs des années 1970, Roxy Music, sa carrière solo est parsemée d'albums marqués du sceau de la classe (Boys & Girls, 1985), de quelques succès et d'une farouche indépendance artistique. Bryan Ferry ne suit pas les modes, il les devance et les incarne. Après Frantic (2001), suivi de deux albums de reprises, l'interprète de « Slave to Love » offre le précieux Olympia (2010). Deux ans après,The Jazz Age, crédité à The Bryan Ferry Jazz Orchestra, reprend son répertoire dans le style jazz des années 1920. En 2014, Avonmore voit le crooner retourner au pop rock sophistiqué qu'il incarne à merveille. Quatre ans plus tard, il retourne aux versions jazz de ses compositions dans Bitter-Sweet.

Né le 26 septembre 1945 à Washington (Tyne & Wear, Angleterre) et fils de mineur, Bryan Ferry est un enfant de la « working class » d'après-guerre. Durant son enfance, il intègre une école d'art à Newcastle et s'intéresse tout particulièrement à l'art conceptuel et au pop art sous l'enseignement de l'artiste Richard Hamilton. Vite attiré par la musique, il chante avec les Banshees (sans lien avec le futur groupe de Siouxsie Sioux) puis dans Gas Board où il rencontre le bassiste Graham Simpson. Recherchant un groupe à sa mesure, il postule chez King Crimson mais Robert Fripp ne le retient pas. Fripp le présente cependant à deux autres étudiants, le saxophoniste Andy MacKay et un musicien amateur hautement curieux, Brian Eno.

Cette rencontre mène en 1970 à la formation de Roxy Music. Entre avant-garde pour la musique et glam rock pour l'attitude, Roxy Music devient très vite l'un des groupes majeurs du moment. Après la parution du second album de Roxy Music, For Your Pleasure en mars 1973, Bryan Ferry éprouve le besoin d'enregistrer un album solo. Il entraîne Phil Manzanera et Paul Thompson, respectivement guitariste et batteur du groupe et produit These Foolish Things en octobre 1973. Album de reprises, hommage aux « grands frères » américains et anglais, de Bob Dylan aux Rolling Stones en passant par Elvis Presley et Smokey Robinson. These Foolish Things est surtout la réponse de Bryan Ferry à Brian Eno, entre innovation et respect du classicisme, là où Eno veut une rupture complète avec les codes musicaux existants.Toujours en marge de Roxy Music (désormais allégé du génie envahissant d'Eno) sort en juillet 1974 Another Time, Another Place. À nouveau constitué en majeure partie de reprises, cet album fait beaucoup pour la renommée du sémillant chanteur. Il pose sur la pochette en smoking blanc sur fond de piscine, tel un Gatsby décadent. Ces deux premiers albums permettent à Bryan Ferry de mettre en évidence la personnalité de sa voix. Il montre qu'elle peut exister dans un contexte de chansons directes, loin des compositions maniérées et volontairement bizarroïdes de Roxy Music.

En septembre 1976, Bryan Ferry célèbre la mise en sommeil de son groupe avec la sortie de Let's Stick Together. À côté des indispensables reprises, il offre une relecture de certains titres de Roxy Music. C'est une manière de montrer ce que ces compositions auraient pu rendre sans les arrangements imposés par Eno et MacKay. La voix de Bryan Ferry à une modulation d'un tel romantisme, une couleur si particulière qu'elle lui permet de tout interpréter à sa guise. Il pose une véritable signature vocale sur tout titre qu'il chante, quel qu'en soit le genre ou les arrangements. Malheureusement pour lui, le public reste nostalgique de la démesure de Roxy Music et ses efforts solo ne reçoivent qu'un accueil mitigé.Alors que le punk pointe ses épingles à nourrice, il propose en février 1977 In Your Mind. Pour la première fois, l'album est composé de chansons originales. Malgré la présence des guitares de Phil Manzanera, Chris Spedding et Neil Hubbard, l'album est loin des sommets de Roxy Music. C'est le même compositeur et chanteur, presque les mêmes musiciens avec les présences de Thompson et de Wetton mais la magie n'opère pas. Les compositions sont trop directes, trop simplistes, dénuées de cette aura mystérieuse qui fait de Roxy Music un groupe tellement à part.

Sur la pochette de The Bride Stripped Bare, Bryan Ferry est maussade. Il a raison de l'être, Jerry Hall l'a quitté et l'album est un fiasco. Entre compositions faiblardes et reprises annonées par des musiciens de studio peu concernés, l'album sonne surfait plus que classe. Bryan Ferry doit se rendre à l'évidence et reformer Roxy Music en 1979. Après trois nouveaux albums dont le chef d'oeuvre Avalon en 1982, Bryan Ferry revient à ses amours solitaires avec Boys and Girls (1985), prolongement esthétique d'Avalon. Le roi est sorti des brumes et a rejoint sa reine dans une étreinte torride. « Slave to Love » devient vite un titre emblématique de Bryan Ferry et des années 1980. La liste des participants à l'album est un véritable Who's Who : de Knopfler à Nile Rodgers en passant par David Gilmour, Omar Hakim et David Sanborn, c'est un défilé d'invités digne d'une montée des marches à Cannes que Bryan Ferry a convoqué. Le public français a toujours succombé au charme de Bryan Ferry dont le goût du raffinement sied à la douce France.

Le disque suivant, Bête Noire (1988) est un de ses albums les plus aboutis. Continuité de Boys and Girls, il est illuminé par la présence d'un grand fan de glam rock, l'ex-guitariste de The Smiths, Johnny Marr. Produit de main de maître par Patrick Leonard, Bête Noire est un album inventif où Bryan Ferry exprime enfin toutes ses capacités créatives. Il faut attendre six ans pour que sorte Taxi, album de reprises qui renoue avec la tradition. Tradition et maturité font bon ménage pour un album agréable aux reprises bien senties, de « I Put a Spell on You » en passant par « All Tomorrow's Parties » ou « Amazing Grace ».

Soudain, en 1994, l'improbable se produit, Brian Eno collabore de nouveau avec Bryan Ferry. Le résultat, Mamouna, contient « Wildcat Days » titre co-signé par les deux Roxy Musiciens, la présence de MacKay et de Manzanera sur l'album en fait d'ailleurs presque un album de Roxy Music. La déception en est immense, il manque l'étincelle, la grâce et le grain de folie ; il manque la différence entre un album creux et un bon album.

1999 voit ressurgir la tentation pour Bryan Ferry de confronter sa voix aux compositions qu'il admire. As Time Goes By explore un répertoire jazz qui va parfaitement à la nonchalance affectée de cet esthète. « The Way You Look Tonight » ou « In the Mood for Love » sont irrésistibles de nostalgie dans la parfaite interprétation de Ferry. Ensuite, Frantic (2001) est un étrange patchwork entre reprises de titres de Bob Dylan et de Leadbelly et nouvelles créations en collaboration avec Dave Stewart (Eurythmics). L'album sonne à la fois très contemporain et nostalgique, avec la reprise de « One Way Love » de The Drifters. Le principal intérêt de Frantic est une nouvelle collaboration avec Brian Eno sur « I Thought » qui clôt l'album. Ferry profite également de « Goddess of Love » pour rendre hommage au cinéma américain via un de ses emblèmes les plus mystérieusement tragique en la personne de Marilyn Monroe.

Depuis son premier album personnel, Bryan Ferry a souvent repris Bob Dylan. En 2007, Dylanesque est un aboutissement de cette fascination pour le hobo céleste. Un album entièrement constitué de perles du maître des songwriters, des reprises où Bryan Ferry n'imite pas Dylan mais l'interprète suivant sa sensibilité. Les titres en sont changés : « Just Like Tom Thumb's Blues » devient un morceau pop et « Make You Feel My Love » bénéficie de toute l'intensité dramatique de la voix de Ferry. Dylanesque voit Ferry réussir l'improbable, s'approprier des titres de Dylan, troquer leur rugosité, leur dépouillement pour des riches arrangements et une interprétation toute en nuances. Avec Dylanesque, Bryan Ferry livre un de ses albums les plus denses et les plus aboutis. Il tourne régulièrement pour présenter ces titres sur scène tandis que bruissent toujours des rumeurs de reformation de Roxy Music, alimentés par sa nouvelle entente avec Brian Eno. Que ce soit en solo ou pour son groupe, la voix sensuelle et profonde de Bryan Ferry n'a pas fini d'imprégner notre inconscient de rêves de romances fatales et d'atmosphères sulfureuses.

Premier album original depuis neuf ans, Olympia est enregistré avec une pléiade d'amis musiciens. Rhett Davies (production), Brian Eno, David Gilmour, Jonny Greenwood (Radiohead), Steve Nieve (The Attractions), Flea, Nile Rodgers et Mani (The Stone Roses) participent à l'album offrant deux reprises (Tim Buckley et Traffic) et huit nouveautés dont le single « You Can Dance » (sorti en août) et les duos avec Scissor Sisters (« Heartache By Numbers ») et Groove Armada (« Shameless »). Cerise sur le gâteau, Kate Moss orne la couverture.

Bryan Ferry est toujours là où on ne l'attend pas comme en témoigne le concept de l'album The Jazz Age paru en décembre 2012. Pour l'occasion, le crooner crée The Bryan Ferry Jazz Orchestra et fait un bond en arrière pour réarranger, avec l'aide de Colin Good et du producteur Rhett Davies, treize de ses propres compositions toutes périodes confondues dans l'esprit du jazz New Orleans des années 1920. Le résultat, entièrement instrumental, s'avère étonnant pour qui est familier de « Do the Strand », « Avalon » ou « Slave to Love ».

Avec le même producteur (fêtant vingt ans de collaboration commune) et quelques musiciens familiers (Nile Rodgers, Marcus Miller, Johnny Marr), Bryan Ferry renoue avec le pop rock sophistiqué de l'album Avonmore. Ce quinzième opus paru en novembre 2014 inclut deux nouvelles reprises, « Send in the Clowns » et « Johnny and Mary » (arrangé par Todd Terje). En 2018, Bryan Ferry & His Jazz Orchestra signe de nouvelles versions de ses compositions sur Bitter-Sweet.